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Notes sur l’état de l’œuvre
cat31_p0État actuel correct ; tableau rentoilé ; allègement du vernis, 1964.
Historique
cat31_p1Domenico Santangelo, avocat, 1815 ; chevalier Niccolo Santangelo, ministre de l’Intérieur du royaume de Naples, palais Colombrano (Naples), 1815 ; gravé par Tommaso Aloysio ; baron Basile de Schlichting, dès 19081 ; legs Basile de Schlichting, 1914 (comme Rubens2) ; au château de Montal pendant la Seconde Guerre mondiale ; revenu le 10 avril 1946.
Bibliographie
cat31_p2Romanelli, 1815 Domenico Romanelli, Napoli antica e moderna, Naples, 1815, 3 vol. , vol. III, p. 933 ; Schneevoogt, 1873 Carl Gottfried Voorhelm Schneevoogt, Catalogue des estampes gravées d’après P. P. Rubens. Avec l’indication des collections où se trouvent les tableaux et les gravures, Haarlem, 1873. , nº 52 (estampe de 1735 montrant Rubens et Van Dyck, due au graveur allemand Georg Martin Preisler) ; Rooses, 1886-1892 Max Rooses, L’Œuvre de P. P. Rubens. Histoire et description de ses tableaux et dessins, Anvers, 1886-1892, 5 vol. , vol. IV, p. 259 ; Bruxelles, 1910 L’Art belge au xviie siècle (catalogue d’exposition, Bruxelles, divers lieux, 1910), Bruxelles, 1910 (2e édition). , nº 145 ; Schaeffer, 1910 Emil Schaeffer, « Ein unbekanntes Jugendwerk Van Dycks », Jahrbuch der Königlichen Preußischen Kunstsammlungen, vol. 31, Berlin, 1910, p. 164-169. ; Troubnikoff, 1911 Alexandre Troubnikoff, « Les tableaux de la collection Schlichting », Staryé Gody, Saint-Pétersbourg, avril 1911, p. 3-16. , p. 9 ; Demonts, 1922 Louis Demonts, Musée national du Louvre. Catalogue des peintures exposées dans les galeries. III. Écoles flamande, hollandaise, allemande et anglaise, Paris, 1922. , sans numéro, p. 165 ; Washburn Freund, 1927 Frank E. Washburn Freund, « An Unknown Self-Portrait by Rubens », Art in America, vol. XVI, New York, décembre 1927, p. 3-11. , p. 3 (note) et p. 4-5 ; Glück, 1931 Gustav Glück, Van Dyck. Des Meisters Gemälde in 571 Abbildungen, Berlin et Stuttgart, coll. « Klassiker der Kunst », 1931. , p. 119 ; Denucé, 1932 Jean Denucé, De Antwerpsche “Konstkamers”. Inventarissen van kunstverzamelingen te Antwerpen in de 16e en 17e eeuwen., Amsterdam, coll. « Bronnen voor de geschiedenis van de Vlaamsche Kunst, 2 », 1932. , p. 312 ; Goris et Held, 1947 Jan Albert Goris et Julius Samuel Held, Rubens in America, Anvers et New York, 1947. , A.15, p. 46 (tableau Timken) ; Sterling, 1960 Charles Sterling (dir.), Exposition de 700 tableaux de toutes les écoles, antérieurs à 1800, tirés des réserves du département des Peintures (catalogue d’exposition, Paris, musée du Louvre, 1960), Paris, 1960. , hors catalogue ; Foucart, 1973 Jacques Foucart, « Rubens : copies, répliques, pastiches », Revue de l’art, nº 21, Paris, 1973, p. 48-55. , nº 21 ; Laclotte et Ressort, 1974 Michel Laclotte et Claudie Ressort, Copies, répliques, pastiches (catalogue d’exposition, Paris, musée du Louvre, 1973-1974), Paris, 1974. , nº 63 ; Foucart, 1977 Jacques Foucart (dir.), Le Siècle de Rubens dans les collections publiques françaises (catalogue d’exposition, Paris, Grand Palais, 1977-1978), Paris, 1977. , p. 86 ; Brejon de Lavergnée, Foucart et Reynaud, 1979 Arnauld Brejon de Lavergnée, Jacques Foucart et Nicole Reynaud, Catalogue sommaire illustré des peintures du musée du Louvre. I. Écoles flamande et hollandaise, Paris, 1979. , p. 54 ; Larsen, 1980 Erik Larsen, L’Opera completa di Van Dyck, Milan, 1980, 2 vol. , vol. II, A-72 ; Larsen, 1988 Erik Larsen, The Paintings of Anthony Van Dyck, Lingen, 1988, 2 vol. , vol. II, A-7 ; Lurie, 1995 Doron J. Lurie (dir.), Van Dyck and his Age (catalogue d’exposition, Tel Aviv, Tel Aviv Museum of Art, 1995-1996), Tel Aviv, 1995. , nº 51 ; Foucart, 2009 Jacques Foucart, Catalogue des peintures flamandes et hollandaises du musée du Louvre, Paris, 2009. , p. 309 ; Jacquot, Lavallée et Marcle, 2009 Dominique Jacquot, Michèle Lavallée et Céline Marcle (dir.), Peinture flamande et hollandaise, xve-xviiie siècle (catalogue d’exposition, Strasbourg, musée des Beaux-Arts, 2009), Strasbourg, 2009. , p. 105.
1cat31_p3Pastiche aux effigies de Rubens et Van Dyck.
2cat31_p4Rubens et Van Dyck, sur fond de ciel (lointainement) à la vénitienne, le premier se détachant sur fond de drapé rouge : c’est l’image séduisante et légère que propose notre tableau du legs Schlichting. L’œuvre sanctionne une relation exemplaire entre disciple et maître. C’est ici que naissent précisément les premières interrogations : si Van Dyck a pu se développer, c’est bien en échappant à l’emprise de Rubens, génie solaire et écrasant. L’examen de cette peinture montre, en réalité, qu’il s’agit d’une construction assez complexe, faite a posteriori par un peintre dont l’identité nous échappe.
3cat31_p5Ce double portrait se rattache cependant directement à Van Dyck, quoique ayant été peint bien après la mort du peintre. En effet, dans l’inventaire après décès d’Alexander Voet, daté du 18 février 1689, on lit : « Een tronie kael van hooft, van van Dyck tot Rubens geschildert4. » Il y eut donc une tête de Rubens, chauve, offerte (?) par l’élève au maître. Le tableau du Louvre se rattache ainsi à cette mention attestant la faveur dont jouissaient les effigies des deux grands Flamands, précisément chez des portraitistes relevés comme Voet.
4cat31_p6La critique s’accorde à refuser à l’œuvre du musée toute autographie, et l’enthousiasme d’Emil Schaeffer qui publia le tableau, il y a un siècle, comme création de jeunesse de Van Dyck ne nous est plus permis5.
5cat31_p7L’idée d’apparier les figures de Rubens et Van Dyck est ancienne : Paul Pontius, dans une estampe particulièrement élaborée (d’esprit d’ailleurs plus rubénien que vandyckien) avait livré une première proposition d’après une grisaille donnée traditionnellement à Abraham Van Diepenbeeck, mais exécutée plutôt par Érasme Quellin à partir des images respectives des deux Flamands, parues dans l’Iconographie de Van Dyck6 (fig. 31-1). Le génie local, anversois, des deux peintres était souligné par la lettre, mentionnant leur ville7. Il s’agissait bien là d’une belle gravure d’époque.
6cat31_p8Ici, c’est un Van Dyck jeune et glabre qui nous est montré, aux côtés d’un Rubens déjà mûr : on reconnaît le tableau montrant le jeune homme, conservé au musée des Beaux-Arts, à Strasbourg, et qui n’est pas autographe8 (fig. 31-2). Ce dernier a été copié ailleurs, cette fois dans un dessin qui, s’il n’est pas non plus de Van Dyck, ne manque pas de personnalité9 (fig. 31-3). Nous sommes ici dans la fortune de l’œuvre, voire dans la légende : artiste jeune prodige, puis favori des princes, et mort tôt, auteur d’un style brillant, Van Dyck rassemble les qualités pour que son effigie soit sans cesse réemployée. La figure de Rubens est, elle, reprise d’une tête aujourd’hui en Amérique10 (fig. 31-4). Les tableaux de Washington et Paris découlent sans doute d’un même modèle11.
7cat31_p9Dès lors, il reste à savoir si l’œuvre du Louvre est un pastiche ou, au contraire, un tableau peint dans l’atelier de Rubens (puisque l’hypothèse Van Dyck est exclue)12. En vérité, la qualité relative de cette toile ancienne, et surtout une forme de désinvolture étrangère à l’esprit de la peinture flamande, font pencher en faveur d’une fantaisie tardive, peut-être du xixe siècle. Il semble que chercher à identifier une source sûre (gravure, peinture elle-même copie…) pour ce qui reste une charmante approximation soit voué à demeurer insatisfaisant.
Le tableau est reproduit dans Les Arts, nº 79, juillet 1908, avec une attribution à Rubens (reproduction sans rapport avec le reste de la publication).
Foucart, 2009 Jacques Foucart, Catalogue des peintures flamandes et hollandaises du musée du Louvre, Paris, 2009. , p. 309, note que le tableau est entré au musée avec une attribution à Van Dyck, mais l’inventaire manuscrit de la collection Schlichting (Louvre, département des Objets d’art, sans date) porte la mention « par Rubens » (nº 400, payé 110 000 francs par le baron au ministre de l’Intérieur du royaume de Naples).
Dans son guide, l’abbé Romanelli décrit le contenu des églises, des palais de Naples au tournant de la domination française (les Français sont sans doute ceux dont il note « […] le nostre cose per non farle cadere nelle mani degli stranieri [pour ne pas laisser tomber entre les mains des étrangers notre patrimoine] », p. 93) : dans le palais Colombrano (p. 90 et suivantes), il vante le goût du propriétaire, « l’avvocato D. Francesco Santangelo », et mentionne le tableau aujourd’hui au Louvre : « Nella quarta stanza […] i ritratti al naturale di Paolo Rubens, e di Antonio Wandich [sic] nella stessa tela dipinti dal Rubens. [Dans la quatrième salle […] les portraits au naturel de Paul Rubens et d’Antonio Wandich [sic] peints sur la même toile par Rubens.] »
Soit « une tête de caractère, chauve, peinte par Van Dyck pour (?) Rubens » (traduction libre, voir Denucé, 1932 Jean Denucé, De Antwerpsche “Konstkamers”. Inventarissen van kunstverzamelingen te Antwerpen in de 16e en 17e eeuwen., Amsterdam, coll. « Bronnen voor de geschiedenis van de Vlaamsche Kunst, 2 », 1932. , p. 312). Goris et Held, 1947 Jan Albert Goris et Julius Samuel Held, Rubens in America, Anvers et New York, 1947. traduit : « A portrait with a bald head, painted of Rubens by Van Dyck », mais on perd alors l’idée que Van Dyck a offert (?) à son maître cette tronie (qui n’est pas un portrait stricto sensu).
Schaeffer, 1910 Emil Schaeffer, « Ein unbekanntes Jugendwerk Van Dycks », Jahrbuch der Königlichen Preußischen Kunstsammlungen, vol. 31, Berlin, 1910, p. 164-169. , a toute une théorie sur le lien entre Rubens et son jeune disciple qui s’exprimerait ici… Troubnikoff, 1911 Alexandre Troubnikoff, « Les tableaux de la collection Schlichting », Staryé Gody, Saint-Pétersbourg, avril 1911, p. 3-16. reprend l’attribution au jeune Van Dyck (ainsi que Demonts, 1922 Louis Demonts, Musée national du Louvre. Catalogue des peintures exposées dans les galeries. III. Écoles flamande, hollandaise, allemande et anglaise, Paris, 1922. ). Washburn Freund, 1927 Frank E. Washburn Freund, « An Unknown Self-Portrait by Rubens », Art in America, vol. XVI, New York, décembre 1927, p. 3-11. , p. 5, s’interroge (se référant à un avis émis, selon lui, par Louis Hourticq), mais Glück, 1931 Gustav Glück, Van Dyck. Des Meisters Gemälde in 571 Abbildungen, Berlin et Stuttgart, coll. « Klassiker der Kunst », 1931. est très sévère pour le tableau. Barnes et al., 2004 Susan J. Barnes, Nora De Poorter, Oliver Millar et Horst Vey, Van Dyck. A Complete Catalogue of the Paintings, Londres et New Haven, 2004. ne mentionne pas même l’œuvre, la rejetant du corpus. Jacquot, Lavallée et Marcle, 2009 Dominique Jacquot, Michèle Lavallée et Céline Marcle (dir.), Peinture flamande et hollandaise, xve-xviiie siècle (catalogue d’exposition, Strasbourg, musée des Beaux-Arts, 2009), Strasbourg, 2009. raisonne encore, pour mieux exclure l’œuvre. Notez que Julius Held, de passage au musée le 26 mai 1967, suggéra le nom de Boeckhorst pour le tableau : cette idée n’est étayée par aucune comparaison. Erik Larsen, prudent, se contenta, le 12 août 1968, de parler de « suiveur » de Van Dyck.
New Hollstein, Van Dyck, 2002 The New Hollstein Dutch & Flemish Etchings, Engravings and Woodcuts, 1450-1700. Anthony Van Dyck, vol. I à VIII, avec un guide du catalogue, compilation par Simon Turner et édition par Carl Depauw, Rotterdam, 2002. , V, nº 430, 3 états ; Depauw et Luijten, 1999 Carl Depauw et Ger Luijten (dir.), Antoine Van Dyck et l’estampe (catalogue d’exposition, Anvers, musée Plantin-Moretus, 1999 ; Amsterdam, Rijksmuseum, 1999-2000), Anvers, 1999. , p. 291. Schneevoogt, 1873 Carl Gottfried Voorhelm Schneevoogt, Catalogue des estampes gravées d’après P. P. Rubens. Avec l’indication des collections où se trouvent les tableaux et les gravures, Haarlem, 1873. signale le cas d’une gravure de Preisler, datant de 1735, qui montre les têtes des deux peintres.
Ce qui est déjà une construction : Rubens, on le sait, est né en Westphalie, à Siegen ; Van Dyck est au moins autant anglais qu’italien et flamand (Van de Velde et Valkeneers, 2013 Carl Van de Velde et Prisca Valkeneers, De Geboorte van Rubens, Gand et Courtrai, 2013. ).
Jacquot, Lavallée et Marcle, 2009 Dominique Jacquot, Michèle Lavallée et Céline Marcle (dir.), Peinture flamande et hollandaise, xve-xviiie siècle (catalogue d’exposition, Strasbourg, musée des Beaux-Arts, 2009), Strasbourg, 2009. , nº 59 ; Foucart, 2009 Jacques Foucart, Catalogue des peintures flamandes et hollandaises du musée du Louvre, Paris, 2009. , p. 309.
Copie du panneau de Washington signalée dans la collection Amar, Paris, 1966.
Le portrait de Van Dyck a circulé, accolé à d’autres effigies d’artistes dont il fut proche, par exemple le graveur Pontius lui-même. Vente Drouot-Richelieu, Paris, « Extrême Orient… dessins et tableaux anciens… », 9 juin 2006, salle 5, lot 119, « Van Dyck (École de). 1599-1642 [sic]. Double portrait du peintre Anton Van Dyck et de son graveur Paul Pontius […]. Sanguine ».
Foucart, 2009 Jacques Foucart, Catalogue des peintures flamandes et hollandaises du musée du Louvre, Paris, 2009. , p. 309, parle de « réutilisation », nuançant la « contrefaçon » dont il est question dans Foucart, 1973 Jacques Foucart, « Rubens : copies, répliques, pastiches », Revue de l’art, nº 21, Paris, 1973, p. 48-55. . Erik Larsen, dans ses publications, dit le tableau d’époque (Larsen, 1980 Erik Larsen, L’Opera completa di Van Dyck, Milan, 1980, 2 vol. , vol. II ; Larsen, 1988 Erik Larsen, The Paintings of Anthony Van Dyck, Lingen, 1988, 2 vol. , vol. II).