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Notes sur l’état de l’œuvre
cat21_p0Rentoilé (châssis du début du xixe siècle), mauvaise adhérence sur les bords supérieur et inférieur entre toile originale et toile de rentoilage ; traces d’une ancienne déchirure à droite de la tête ; griffures et petites lacunes en partie basse ; vernis oxydé1.
Historique
cat21_p1Collection Louis, duc de Noailles ; saisi à Paris chez Jean-Louis de Noailles, émigré ; dépôt de Nesle, 1794 (nº 25) ; arrivé au Muséum central des arts, 23 avril 1794 ; château de Bétaille (Lot) pendant la Seconde Guerre mondiale2 ; rentré le 13 février 1946 ; déposé à Maisons (Maisons-Laffitte), 1971 ; revenu au musée en 19893.
Bibliographie
cat21_p2Smith, 1829-1842 John Smith, A Catalogue Raisonné of the Works of the Most Eminent Dutch, Flemish and French Painters…, Londres, 1829-1842, 9 vol. dont un supplément. , vol. III, nº 503 ; Notice Paris, 1840 Notice des tableaux exposés dans la galerie du Musée royal, Paris, 1840. , nº 519 ; Villot, 1852 Frédéric Villot, Notice des tableaux exposés dans les galeries du Musée national du Louvre. 2e partie. Écoles allemande, flamande et hollandaise, Paris, 1852. , nº 165 ; Waagen, 1854-1857 Gustav Friedrich Waagen, Treasures of Art in Great Britain. Being an Account of the Chief Collections of Paintings, Drawings, Sculptures, Illuminated Mss, etc., Londres, 1854-1857, 4 vol. dont un supplément. , vol. III, p. 458 ; Cust, 1900 Lionel Cust, Anthony Van Dyck. An Historical Study of His Life and Works, Londres, 1900. , nº 27, p. 270 ; Furcy-Raynaud, 1912 Marc Furcy-Raynaud, « Les tableaux et objets d’art saisis chez les émigrés et condamnés, et envoyés au Muséum central », Archives de l’art français, nouvelle période, tome VI, Paris, 1912, p. 244-343. , nº 25, p. 306 ; Communaux, 1914 Eugène Communaux, « Emplacements actuels des tableaux du musée du Louvre catalogués par Frédéric Villot (écoles du Nord) », Bulletin de la Société de l’histoire de l’art français. Année 1914, Paris, 1914, p. 208-287. , nº 165 ; Demonts, 1922 Louis Demonts, Musée national du Louvre. Catalogue des peintures exposées dans les galeries. III. Écoles flamande, hollandaise, allemande et anglaise, Paris, 1922. , nº 2 369 ; Michel, 1929 Édouard Michel, La Peinture au musée du Louvre. École flamande, Paris, 1929. , nº 201 ; Glück, 1931 Gustav Glück, Van Dyck. Des Meisters Gemälde in 571 Abbildungen, Berlin et Stuttgart, coll. « Klassiker der Kunst », 1931. , p. 467 ; Vey, 1962 Horst Vey, Die Zeichnungen Anton van Dycks (Monographien des « Nationaal Centrum voor de Plastische Kunsten van xvide en xviide Eeuw »), Bruxelles, 1962, 2 vol. (le premier consacré aux textes et notices, le second aux illustrations). , nº 241, ill. 293 ; Cantarel-Besson, 1981 Yveline Cantarel-Besson, La Naissance du musée du Louvre. La politique muséologique sous la Révolution d’après les archives des musées nationaux, Paris, coll. « Notes et documents des musées de France », 1981, 2 vol. , vol. I, nº 15, p. 41 ; Larsen, 1988 Erik Larsen, The Paintings of Anthony Van Dyck, Lingen, 1988, 2 vol. , vol. II, nº 767 ; Foucart, 1991 Jacques Foucart (dir.), Musée du Louvre. Nouvelles acquisitions du département des Peintures. 1987-1990, Paris, 1991. , p. 222 ; Brown et Vlieghe, 1999 Christopher Brown et Hans Vlieghe (dir.), Van Dyck 1599-1641 (catalogue d’exposition, Anvers, Koninklijk Museum voor Schone Kunsten, 1999 ; Londres, Royal Academy of Arts, 1999), Londres, 1999. , nº 98 ; Barnes et al., 2004 Susan J. Barnes, Nora De Poorter, Oliver Millar et Horst Vey, Van Dyck. A Complete Catalogue of the Paintings, Londres et New Haven, 2004. , IV. 23 ; Foucart, 2009 Jacques Foucart, Catalogue des peintures flamandes et hollandaises du musée du Louvre, Paris, 2009. , p. 134.
1cat21_p3Version d’atelier d’un beau portrait féminin.
2cat21_p4Ce portrait montre Anne Carr, épouse depuis 1637 de William Russell, futur cinquième comte et premier duc de Bedford – et l’une des beautés de l’époque. Sans doute ce charme contribua-t-il, au xixe siècle, à assimiler de manière un peu lâche l’œuvre à la série, si célèbre, des « Windsor beauties », peintes par Peter Lely dans les années 1660. Le tableau montre cependant une personnalité qui, à l’époque où elle posa, était encore très jeune – le contexte de la cour de Charles II est donc exclu par la chronologie.
3cat21_p5Ce tableau a dès longtemps intrigué les commentateurs français. Saisie à la Révolution chez de grands collectionneurs parisiens, les Noailles, comme un Van Dyck (« Vandick », dit la liste des commissaires révolutionnaires4), la toile perd au fil du xixe siècle son identité : la Notice des tableaux exposés dans la galerie du Musée royal, parue en 1840, la classe aux « inconnus », décrivant un simple « Portrait de femme vêtue de rouge5 ». Frédéric Villot, commentant succinctement l’œuvre, se risque à l’attribuer à Peter Lely, sans mentionner sa provenance6. Le nom de Lely reste accolé au tableau encore longtemps : en 1914, la toile lui est toujours attribuée7.
4cat21_p6Ces mentions, au mieux hésitantes, ne rendent pas justice à notre tableau qui, lorsqu’il fut saisi, voisinait dans la collection Noailles avec le Vénus et l’Amour donné aujourd’hui à Rembrandt8. Dans l’œuvre du Louvre, la mise en espace, le dessin du costume ou les lumières sont sans défaut ; les carnations sont peintes de manière convaincante – les mains, en particulier, sont exécutées avec une grande sensibilité. Le visage de la comtesse ne dénote pas de faiblesse de mise en œuvre. En un mot, le tableau est proche de la seule autre version autographe connue de ce portrait, aujourd’hui au Japon9 (fig. 21-1). Ce dernier tableau est daté vers 1637 par Oliver Millar10.
5cat21_p7Loin de présenter les caractéristiques d’une copie comme celle passée en vente à Londres, en 201111, le Portrait d’Anne Carr, au xviiie siècle dans la collection Noailles, est d’une qualité qui incite à y voir une œuvre de l’atelier de Van Dyck. Dans ces conditions, on peut se risquer à la penser peinte dans les dernières années d’activité du maître12 (voir fig. 21-2 pour un exemple, inédit à notre connaissance, d’une autre version du portrait de lady Russell).
L’indication est portée au dossier d’œuvre, mais le château de Bétaille semble avoir été ruiné dès le xixe siècle.
Cette rubrique commence tard, en l’absence de documents sur la localisation de l’œuvre avant la Révolution. À titre d’hypothèse, on dira que l’INV. 1279 évoque le tableau mentionné dans une liste d’œuvres (datant de 1644) ayant appartenu à Van Dyck : « The Lady Bedforde » (Brown et Ramsay, 1990 Christopher Brown et Nigel Ramsay, « Van Dyck’s Collection. Some New Documents », The Burlington Magazine, vol. 132, nº 1 051, Londres, octobre 1990, p. 704-709. , p. 707). La trace de cette peinture se perd. Il pourrait cependant s’agir d’une autre version.
« Un tableau peint sur toile, par Vandick, premier temps, représentant une Femme vêtue d’une étoffe rouge. H. 3 pds 2 p. ; L. 30 p. », voir Furcy-Raynaud, 1912 Marc Furcy-Raynaud, « Les tableaux et objets d’art saisis chez les émigrés et condamnés, et envoyés au Muséum central », Archives de l’art français, nouvelle période, tome VI, Paris, 1912, p. 244-343. , nº 25, p. 306.
L’inventaire manuscrit de 1832 procédait déjà de la sorte (« école flamande, Inconnus »).
Villot, 1855 Frédéric Villot, Notice des tableaux exposés dans les galeries du Musée national du Louvre. 2e partie. Écoles allemande, flamande et hollandaise, Paris, 1855 (6e édition). , nº 165.
Communaux, 1914 Eugène Communaux, « Emplacements actuels des tableaux du musée du Louvre catalogués par Frédéric Villot (écoles du Nord) », Bulletin de la Société de l’histoire de l’art français. Année 1914, Paris, 1914, p. 208-287. , nº 165.
Furcy-Raynaud, 1912 Marc Furcy-Raynaud, « Les tableaux et objets d’art saisis chez les émigrés et condamnés, et envoyés au Muséum central », Archives de l’art français, nouvelle période, tome VI, Paris, 1912, p. 244-343. , nº 25 (l’actuel INV. 1279) et nº 21 (l’actuel INV. 1743, récemment réattribué à Rembrandt par le Rembrandt Research Project, voir A Corpus of Rembrandt Paintings, vol. VI, p. 380). Voir Foucart, 2009 Jacques Foucart, Catalogue des peintures flamandes et hollandaises du musée du Louvre, Paris, 2009. , p. 217.
Voir Kobayashi-Sato et al., 1989 Collectif (Kobayashi-Sato et al.), Masterpieces of the National Museum of Western Art, Tokyo, Tokyo, 1989. , p. 36.
Barnes et al., 2004 Susan J. Barnes, Nora De Poorter, Oliver Millar et Horst Vey, Van Dyck. A Complete Catalogue of the Paintings, Londres et New Haven, 2004. , IV. 23. Le geste des mains de lady Russell, croisées délicatement sur le ventre, a fait supposer que l’œuvre originale se situait peu de temps avant la naissance de son fils, en septembre 1639 – donc au printemps de la même année (notice, vente Sotheby’s, Londres, 8 mars 1989). Cette hypothèse est assez fragile, et l’on se contentera ici de supposer, pour le tableau Fuji, une date postérieure au mariage d’Anne avec William Russell, en 1637.
Vente Christie’s, Londres, 9 décembre 2011, lot 34 (sous le nom de Theodore Russell). Dans le cas du tableau du Louvre, on souhaiterait pouvoir s’appuyer sur un dessin préparatoire, comme il en existe pour le grand portrait d’Anne Carr à Petworth (lord Egremont, Petworth House, Sussex, Barnes et al., 2004 Susan J. Barnes, Nora De Poorter, Oliver Millar et Horst Vey, Van Dyck. A Complete Catalogue of the Paintings, Londres et New Haven, 2004. , IV. 22), mais on n’en connaît pas ; voir Vey, 1962 Horst Vey, Die Zeichnungen Anton van Dycks (Monographien des « Nationaal Centrum voor de Plastische Kunsten van xvide en xviide Eeuw »), Bruxelles, 1962, 2 vol. (le premier consacré aux textes et notices, le second aux illustrations). , nº 241.
Notons l’existence d’un Portrait d’Anne Carr, naguère dans la collection du Museum of Fine Arts, Boston, vendu chez Sotheby’s, New York, le 5 avril 1990, lot 174A : ce portrait semble une réplique du tableau de Petworth, mais avec la physionomie du tableau Fuji (ou, si l’on préfère, du Louvre). Une telle hybridation ferait mieux comprendre l’existence d’une copie de la tête du Portrait d’Anne Carr, signalée par Oliver Millar à Hagley Hall, dans le Worcestershire (Barnes et al., 2004 Susan J. Barnes, Nora De Poorter, Oliver Millar et Horst Vey, Van Dyck. A Complete Catalogue of the Paintings, Londres et New Haven, 2004. , IV. 22). Elle aiderait aussi à appréhender un autre Portrait d’Anne Carr, inédit à notre connaissance, à la galerie Sedelmeyer, à Paris, en 1906 : ce tableau, par sa composition, se place à mi-chemin entre la toile de Petworth et celle du Japon.