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Notes sur l’état de l’œuvre
cat26_p01962 : pose de vernis ponctuelle ; dans les années 1960 et 1970 : diverses reprises de matités et régénération du vernis ; 1987 : revernissage ; 1993 : décrassage puis vernissage, reprise des repeints ; 2008 : dépoussiérage et reprise des repeints1.
Historique
cat26_p1Arthur Pond apporte le tableau en Angleterre depuis l’Italie2 (?) ; comte d’Ashburnham, Londres, nº 30 Dover Street (Piccadilly), et Ashburnham (Sussex) ; 20 juillet 18503 : vente Ashburnham chez Christie’s, Londres, lot 46 ; Neville (marchand ?) sans doute pour lord C. Townsend ; 24 mai 1851 : vente Christie’s, Londres, lot 74 (acheté pour 300 livres)4 ; 11 février 1853 : vente Osborn, Christie’s, Londres, lot 323 (lot Townsend porté à la main sur le catalogue, sans doute un ajout de dernière heure) ; C. J. Nieuwenhuys, marchand, Londres ; 1857 : sir Hugh Hume Campbell, Londres ; exposé à la Royal Academy, Burlington House, Londres, 18775 ; 16 juin 1894 : vente Campbell, Christie’s, Londres, lot 51 ; 1909 : Steinmeyer, Paris ; Charles Sedelmeyer, marchand, Paris (cité en la possession de Carlos de Beistegui en 1909, Sedelmeyer servant sans doute de drogman6) ; Carlos de Beistegui ; 4 novembre 1942 : legs Beistegui (sous réserve d’usufruit, arrêté du 27 octobre 1943) ; 1943 : au château de Sourches (Sarthe) ; juillet 1945 : exposé au Louvre ; septembre 1945 : envoi à Biarritz (collection Beistegui) ; 1953 : entré dans les collections nationales.
Bibliographie
cat26_p2Waagen, 1854-1857 Gustav Friedrich Waagen, Treasures of Art in Great Britain. Being an Account of the Chief Collections of Paintings, Drawings, Sculptures, Illuminated Mss, etc., Londres, 1854-1857, 4 vol. dont un supplément. , supplément, p. 443 ; Guiffrey, 1882 Jules Guiffrey, Antoine Van Dyck. Sa vie et son œuvre, Paris, 1882. , nº 726, p. 47 et 173 ; Londres, 1887 Exhibition of the Works of Sir Anthony Van Dyck (catalogue d’exposition, Londres, Grosvenor Gallery, 1887), Londres, 1887. ; Bode, 1889 Wilhelm von Bode, « Antoon Van Dyck in der Liechtenstein-Galerie », Die Graphischen Künste, 12e année, Vienne, 1889, p. 39-52. , p. 49 ; Cust, 1900 Lionel Cust, Anthony Van Dyck. An Historical Study of His Life and Works, Londres, 1900. , nº IIb 108, p. 243 ; Schaeffer, 1909 Emil Schaeffer, Van Dyck. Des Meisters Gemälde in 537 Abbildungen, Leipzig et Stuttgart, coll. « Klassiker der Kunst », 1909. , p. 208 ; Guiffrey, 1931 Jean Guiffrey, « La collection Carlos de Beistegui », Gazette des Beaux-Arts, tome V, Paris, 1931, p. 137-154. , p. 152 (reproduction p. 141) ; Bazin, 1943 Germain Bazin, « La vie dans les musées. I. Les récentes acquisitions du musée du Louvre. La donation Carlos de Beistegui », Revue des Beaux-Arts de France, nº VI, Paris, août-septembre 1943, p. 325-333. , p. 331 ; Bouchot-Saupique, 1947 Jacqueline Bouchot-Saupique, La Peinture flamande du xviie siècle au musée du Louvre, Bruxelles, 1947. , pl. XXI ; Brejon de Lavergnée, Foucart et Reynaud, 1979 Arnauld Brejon de Lavergnée, Jacques Foucart et Nicole Reynaud, Catalogue sommaire illustré des peintures du musée du Louvre. I. Écoles flamande et hollandaise, Paris, 1979. , p. 53 ; Larsen, 1980 Erik Larsen, L’Opera completa di Van Dyck, Milan, 1980, 2 vol. , vol. II, nº A71 ; Larsen, 1988 Erik Larsen, The Paintings of Anthony Van Dyck, Lingen, 1988, 2 vol. , vol. II, nº A59, p. 430 (cité comme œuvre dérivative), nº 372, p. 151, et nº 401, p. 164 ; Laclotte, 1989 Michel Laclotte (dir.), Les Donateurs du Louvre (catalogue d’exposition, Paris, musée du Louvre, 1989), Paris, 1989. , p. 145 ; Foucart, 2009 Jacques Foucart, Catalogue des peintures flamandes et hollandaises du musée du Louvre, Paris, 2009. , p. 135.
1cat26_p3Un portrait ayant longtemps bénéficié de belles appréciations, de Gustav Friedrich Waagen à Jules Guiffrey, mais que les spécialistes se sont finalement résolus à extraire du corpus vandyckien.
2cat26_p4Lorsqu’il entra au Louvre (sous réserve d’usufruit) avec la collection Carlos de Beistegui en 1942, ce tableau introduisait au musée, pensait-on, un premier exemple de la période génoise du maître. Le Portrait d’une dame génoise (cat. 9) n’avait pas alors été donné à l’institution7. Aujourd’hui, le tableau Beistegui n’est plus accepté comme un tableau original peint par Van Dyck8.
3cat26_p5Malgré son caractère photogénique et une certaine allure, la comparaison avec d’autres portraits du maître l’éloigne de l’atmosphère vandyckienne : songeons au Portrait présumé de Marcello Durazzo (Venise, Galleria Giorgio Franchetti alla Ca’ d’Oro, une toile des années génoises), ou au Portrait de Lucas Vorsterman de 1631 (Lisbonne, Museu Nacional de Arte Antiga), autre figure d’homme en noir jaugeant le spectateur9. La différence de qualité est perceptible. Certaines caractéristiques de notre tableau, il faut le dire, sont en dissonance : la rapière (ce n’est pas une épée10), superbe arme qui évoque la manufacture tolédane, est mise en avant comme jamais dans le R.F. 1942-34, qui plus est paraissant presque flotter au premier plan. Le col de dentelles, censé rendre une fraise à la confusion, est contestable. Le dessin des mains est sans personnalité, voire fautif (l’index et le pouce de la main gauche). Le gorgerin11, sur la console à dextre, est d’une mise en place assez pénible et sans rapport spatial avec la main qui semble l’effleurer. Le costume noir, de belle ampleur, ne parvient pas à faire sentir le corps qu’il cache. Enfin, le visage (élégant mais sans tension) n’évoque pas la facture vandyckienne d’un portrait qui pourrait se situer au début de la seconde période anversoise (été 1627-mai 1632).
4cat26_p6À l’automne 1942, lorsque la toile entre dans les collections publiques, c’est sous la dénomination de portrait de « Don Livio Odescalchi ». Ce nom aristocratique apparaît dans le volume II des Vite de’ Pittori, scultori, ed architetti moderni de Pascoli à l’occasion de la description des vies de Carlo Fontana, de Pierre Monnot (actif dans la seconde moitié du xviiie siècle), ou de Giovanni Battista Calandra12. La chronologie – qui concerne Livio Odescalchi, collectionneur et neveu du pape Innocent XI Odescalchi – n’est pas en accord avec le fait de poser pour un artiste mort en 1641 ; Livio Odescalchi naît en effet à Côme en 1658 et meurt à Rome en 171313. Malgré les affirmations de l’exposition de Burlington House, en 1877 – date à laquelle le tableau fut présenté comme Portrait de don Livio Odescalchi par Van Dyck (alors parfaitement identifié comme neveu du pape Innocent XI14) –, notre tableau est donc celui d’un modèle, certes aristocratique, mais anonyme.
5cat26_p7De façon générale, l’œuvre du Louvre se rattache à un type de portrait très en vogue dans le nord de la péninsule italienne pendant une bonne partie du xvie siècle. Citons, par exemple, le Portrait d’homme de Tintoret que conservent les Offices de Florence (fig. 26-1). Erik Larsen proposa un temps de voir dans le Portrait d’un gentilhomme la main de Tiberio Tinelli – une hypothèse que ne peut que contredire la chronologie si l’on maintient l’identité du modèle Odescalchi –, au moins ce spécialiste avait-il vu le problème et renoncé à la traditionnelle identification15. Quelques années plus tard, Larsen finit par cataloguer la toile du Louvre comme œuvre dérivant d’un original de Van Dyck, en collection privée16 (italienne, pensait-il, mais apparemment plutôt suisse). Cette œuvre porte une inscription en haut, à senestre : « AET. SUAE 42 Ao 1626 / A.V.D. » Ces données ont dès lors été accolées à la toile du Louvre, qui serait donc une copie avec variantes, faite peu après 1626, de cette peinture en mains privées (fig. 26-2). Le 1er février 2018, chez Sotheby’s, New York, lot 24, cette toile apparemment princeps réapparut avec une provenance de Lugano (Suisse) ; elle fut vendue comme autographe17.
6cat26_p8Quelques remarques serviront ici de conclusion. Il est inattendu de trouver, chez Van Dyck, une inscription et des armoiries aussi rapidement décrites (on peut penser au raffinement des armoiries incluses dans le Portrait d’Agostino Pallavicini, Los Angeles, The J. Paul Getty Museum, 68.PA.218). Par ailleurs, l’espace autour du personnage ne semble pas suggéré de la manière dont il l’est dans d’autres portraits de la période italienne19. Lorsque le fond est laissé en aplat par Van Dyck, comme ce serait le cas pour les œuvres qui nous intéressent ici, le rendu plastique du personnage paraît d’une nature distincte20.
7cat26_p9Quoi qu’il en soit, en ce qui concerne l’œuvre du musée du Louvre, nous l’appellerions volontiers le « pseudo-Odescalchi », dans l’espoir d’une identification à venir, et situerions son exécution en Italie, sans exclure Gênes, à la fin du premier tiers du siècle, et dans le sillage de Van Dyck. De façon générale, on devine qu’existèrent différents tableaux peints à l’imitation des succès magnifiques de l’artiste à Gênes. Considérer le seul « météore » Van Dyck est sans doute une erreur de perspective. Voyez ainsi le Portrait d’homme, au musée d’Indianapolis (fig. 26-3), catalogué comme suiveur de Van Dyck.
Lugt, Répertoire Frits Lugt, Répertoire des catalogues de ventes publiques intéressant l’art ou la curiosité, La Haye, 1938-1964 (vol. I-III) ; Paris, 1987 (vol. IV). Voir aussi l’édition du répertoire en ligne. , nº 20387, lot 74, dit en effet « brought from Rome by Mr. Pond », ce qui est d’un effet assez dramatique et doit donc être considéré prudemment. Sur Pond, voir Ingamells, 1997 John Ingamells, A Dictionary of British and Irish Travellers in Italy. 1701-1800, Londres et New Haven, 1997. , p. 781.
Lugt, Répertoire Frits Lugt, Répertoire des catalogues de ventes publiques intéressant l’art ou la curiosité, La Haye, 1938-1964 (vol. I-III) ; Paris, 1987 (vol. IV). Voir aussi l’édition du répertoire en ligne. , nº 19960.
Lugt, Répertoire Frits Lugt, Répertoire des catalogues de ventes publiques intéressant l’art ou la curiosité, La Haye, 1938-1964 (vol. I-III) ; Paris, 1987 (vol. IV). Voir aussi l’édition du répertoire en ligne. , nº 20387.
Correspondance de Carlotta D’Addato (Christie’s, Londres), 11 novembre 1999.
Schaeffer, 1909 Emil Schaeffer, Van Dyck. Des Meisters Gemälde in 537 Abbildungen, Leipzig et Stuttgart, coll. « Klassiker der Kunst », 1909. , p. 208.
Bazin, 1943 Germain Bazin, « La vie dans les musées. I. Les récentes acquisitions du musée du Louvre. La donation Carlos de Beistegui », Revue des Beaux-Arts de France, nº VI, Paris, août-septembre 1943, p. 325-333. , p. 331, insiste sur cet apport : « Cette œuvre est incontestablement de l’époque génoise de Van Dyck, dont le Louvre ne possédait jusqu’ici aucun spécimen. » Voir aussi Guiffrey, 1931 Jean Guiffrey, « La collection Carlos de Beistegui », Gazette des Beaux-Arts, tome V, Paris, 1931, p. 137-154. , p. 152. Le Portrait d’une dame génoise (cat. 9) n’entra au musée qu’en 1949, don Rothschild.
Foucart, 2009 Jacques Foucart, Catalogue des peintures flamandes et hollandaises du musée du Louvre, Paris, 2009. , p. 135, relève l’absence de l’œuvre du Louvre dans le catalogue général de Barnes et al., 2004 Susan J. Barnes, Nora De Poorter, Oliver Millar et Horst Vey, Van Dyck. A Complete Catalogue of the Paintings, Londres et New Haven, 2004. . Il est vrai que Lionel Cust ne l’avait pas lui-même incluse dans ses listes (voir Cust, 1900 Lionel Cust, Anthony Van Dyck. An Historical Study of His Life and Works, Londres, 1900. , p. 37-38, où est mentionnée la famille des Odescalchi). Schaeffer, 1909 Emil Schaeffer, Van Dyck. Des Meisters Gemälde in 537 Abbildungen, Leipzig et Stuttgart, coll. « Klassiker der Kunst », 1909. , p. 208, est la dernière publication monographique incluant l’œuvre comme autographe.
Barnes et al., 2004 Susan J. Barnes, Nora De Poorter, Oliver Millar et Horst Vey, Van Dyck. A Complete Catalogue of the Paintings, Londres et New Haven, 2004. , II. 80, pour le tableau à Venise, et III. 139, pour celui à Lisbonne.
Confusion chez Bazin, 1943 Germain Bazin, « La vie dans les musées. I. Les récentes acquisitions du musée du Louvre. La donation Carlos de Beistegui », Revue des Beaux-Arts de France, nº VI, Paris, août-septembre 1943, p. 325-333. , p. 331.
Bazin, 1943 Germain Bazin, « La vie dans les musées. I. Les récentes acquisitions du musée du Louvre. La donation Carlos de Beistegui », Revue des Beaux-Arts de France, nº VI, Paris, août-septembre 1943, p. 325-333. , p. 331, y voit de manière inexpliquée « un casque d’acier ».
Nous avons consulté le volume II, Pascoli, 1736 Lione Pascoli, Vite de’ Pittori, scultori, ed architetti moderni, vol. II, Rome, 1736. , p. 27, 45, 489, 490 et 549. Dans la vie de Calandra, le nom de Livio Odescalchi est cité au sujet d’un achat, par ce dernier, qui intervient bien après la mort de Van Dyck.
Sandra Costa, « Odescalchi, Livio », Dizionario biografico degli italiani, vol. 79 (2013). Dans la Correspondance des directeurs de l’Académie de France à Rome, tome VII (1724-1728), p. 479, Nicolas Vleughels, qui écrit à d’Antin, évoque les collections de « dom Livio Odescalchi » : « [elles] étaient considérables » et furent « enlevées par le roy d’Espagne » (Archives nationales, O1 1960, fol. 128).
L’affirmation de l’identité du modèle comme étant Livio Odescalchi, chez Bode, 1889 Wilhelm von Bode, « Antoon Van Dyck in der Liechtenstein-Galerie », Die Graphischen Künste, 12e année, Vienne, 1889, p. 39-52. , p. 49, est répétée dans le catalogue de la vente Campbell en 1894.
Lors d’une visite au musée en 1968, Erik Larsen avait souligné la qualité insuffisante de l’œuvre pour qu’elle puisse être attribuée à Van Dyck (notes du 12 août 1968, documentation du Département des peintures).
Larsen, 1988 Erik Larsen, The Paintings of Anthony Van Dyck, Lingen, 1988, 2 vol. , vol. II, nº A59, p. 430 (tableau du Louvre cité comme œuvre dérivative), voir aussi nº 372, p. 151 pour comparaison, et nº 401, p. 164. L’œuvre en question, qui présente quelques variantes et représente visiblement le même modèle, se trouvait, en 1997, en collection privée française.
La provenance donnée par la maison de ventes semble partielle : la documentation du département des Peintures possède une correspondance dans laquelle l’œuvre en question est explicitement située en France, chez un propriétaire privé, en février 1997. Certificat d’expertise par Susan J. Barnes pour cette vente.
Barnes et al., 2004 Susan J. Barnes, Nora De Poorter, Oliver Millar et Horst Vey, Van Dyck. A Complete Catalogue of the Paintings, Londres et New Haven, 2004. , II. 51. Les armoiries sont somptueusement brodées dans le lourd rideau peint.
Par exemple : Barnes et al., 2004 Susan J. Barnes, Nora De Poorter, Oliver Millar et Horst Vey, Van Dyck. A Complete Catalogue of the Paintings, Londres et New Haven, 2004. , II. 60 ou même II. 61, cité depuis longtemps en relation avec l’effigie du « pseudo-Odescalchi » (voir Bode, 1889 Wilhelm von Bode, « Antoon Van Dyck in der Liechtenstein-Galerie », Die Graphischen Künste, 12e année, Vienne, 1889, p. 39-52. , p. 49).
Le si frappant Portrait du cardinal Domenico Rivarola au Portland Art Museum (1999.37, Barnes et al., 2004 Susan J. Barnes, Nora De Poorter, Oliver Millar et Horst Vey, Van Dyck. A Complete Catalogue of the Paintings, Londres et New Haven, 2004. , II. 57).