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    Antoon Van Dyck

    Les Amours de Renaud et Armide

    Notes sur l’état de l’œuvre

    cat12_p01798 : restauré par François Toussaint Hacquin (rentoilé en quatre jours et demi1) ; l’intervention de Hacquin fut un sujet de querelle avec Jean-Baptiste Pierre Lebrun, lequel refusa le prix, jugé excessif, du restaurateur2 ; 1905 : menues pertes de matière ; 19393 : refixage, régénération du vernis – « toile fragile, trop sèche, brûlée par le temps », « châssis d’origine, sans clé, vermoulu » ; 1950 : dossier d’imagerie scientifique ; 19514 : rentoilage, allègement et suppression d’anciens repeints ; 1974 : régénération du vernis ; 1993 : décrassage et revernissage. Le tableau est très verni, malgré différents allègements (en 1939 et 1950)5.

    Historique

    cat12_p1Frédéric Henri d’Orange, La Haye (mentionné dans un inventaire du Binnenhof en 1632 comme un Mars et Vénus destiné à un manteau de cheminée pour la « nouvelle chambre de Son Excellence », nº 95 ; le nº 190 qui désigne le manteau de cheminée semble évoquer notre tableau) ; Amalia Van Solms, veuve de Frédéric Henri, mentionné dans un inventaire du palais Noordeinde, La Haye, en 1673, nº 7386 ; Henrietta Catherine von Anhalt, fille de la précédente, 16767 ; la fille d’Henrietta Catherine, Henriette Amalia von Nassau-Dietz8, laquelle place le tableau au château d’Het Loo, Apeldoorn, mentionné dans un inventaire de 1713, nº 837, puis à Oranienstein, Diez, mentionné dans un inventaire de 1726, nº 354 (noté comme original) ; passé chez Guillaume V d’Orange, La Haye, « cabinet des tableaux » du Buitenhof, La Haye, depuis 1774, nº 192 (mais décrit comme d’après Van Dyck et abîmé9) ; transféré à Paris à la suite de la guerre entre l’Angleterre et la France, et de la fuite de Guillaume V en 1795 ; entré au Muséum central des arts, 31 janvier 1796 (nº 191 dans l’« inventaire et état descriptif des tableaux arrivés dans les caisses et provenant du cabinet du stadhouder à La Haie [sic]… », dressé à compter du 27 septembre 1795 – tableau signalé comme « école de Vandick10 ») ; placé à Saint-Cloud sous l’Empire, 1804 ; resté en France, les alliés ne reprenant pas le tableau en 181511 ; au château de Montal (Lot) pendant la Seconde Guerre mondiale, rentré en 1946.

    Bibliographie

    cat12_p2Toulongeon, 1802-1808 François Emmanuel Toulongeon [d’Emskerque de Toulongeon], Manuel du Muséum français, avec une description analytique et raisonnée de chaque tableau, indiqué au trait par une gravure à l’eau forte, tous classés par écoles, et par œuvre des grands artistes, Paris, 1802-1808, 9 vol. , vol. 6, sans numéro ; Smith, 1829-1842 John Smith, A Catalogue Raisonné of the Works of the Most Eminent Dutch, Flemish and French Painters…, Londres, 1829-1842, 9 vol. dont un supplément. , vol. III, nº 279 ; Villot, 1852 Frédéric Villot, Notice des tableaux exposés dans les galeries du Musée national du Louvre. 2e partie. Écoles allemande, flamande et hollandaise, Paris, 1852. , nº 141 ; Guiffrey, 1882 Jules Guiffrey, Antoine Van Dyck. Sa vie et son œuvre, Paris, 1882. , nº 264, p. 253 ; Michiels, 1882 Alfred Michiels, Van Dyck et ses élèves, Paris, 1882 (1re édition 1881). , p. 272, 279 et 462 ; Hymans, 1887 Henry Hymans, « Les dernières années de Van Dyck », Gazette des Beaux-Arts, tome XXXVI, Paris, 1887, p. 432-440. , p. 433 ; Geffroy, 19.. Gustave Geffroy, Le Louvre. La peinture étrangère, Paris, 19… , p. 65 ; Cust, 1900 Lionel Cust, Anthony Van Dyck. An Historical Study of His Life and Works, Londres, 1900. , nº III-95, p. 251 ; Catalogue Paris, 1903 Catalogue sommaire des peintures exposées dans les galeries du Musée national du Louvre (tableaux et peintures décoratives), Paris, 1903 (1re édition 1889). , nº 1 966, p. 168 ; Stokes, 1904 Hugh Stokes, Sir Anthony Van Dyck, Londres, 1904. , p. xxvii ; Schaeffer, 1909 Emil Schaeffer, Van Dyck. Des Meisters Gemälde in 537 Abbildungen, Leipzig et Stuttgart, coll. « Klassiker der Kunst », 1909. , p. 118 ; Demonts, 1922 Louis Demonts, Musée national du Louvre. Catalogue des peintures exposées dans les galeries. III. Écoles flamande, hollandaise, allemande et anglaise, Paris, 1922. , p. 33 ; Michel, 1929 Édouard Michel, La Peinture au musée du Louvre. École flamande, Paris, 1929. , p. 83-84 ; Glück, 1931 Gustav Glück, Van Dyck. Des Meisters Gemälde in 571 Abbildungen, Berlin et Stuttgart, coll. « Klassiker der Kunst », 1931. , nº 363, p. 558 ; Sterling, 1936 Charles Sterling, Rubens et son temps (catalogue d’exposition, Paris, Musée national de l’orangerie des Tuileries, 1936-1937), Paris, 1936. , nº 27, p. 53-54 ; Bouchot-Saupique, 1947 Jacqueline Bouchot-Saupique, La Peinture flamande du xviie siècle au musée du Louvre, Bruxelles, 1947. , p. 68 ; Émile-Mâle, 1957 Gilberte Émile-Mâle, « Jean-Baptiste Pierre Lebrun (1748-1813). Son rôle dans l’histoire de la restauration des tableaux du Louvre », in Paris et Ile-de-France. Mémoires, tome VIII, année 1956, Paris, 1957, p. 371-417. , p. 409 ; Lee, 1963 Rensselaer W. Lee, « Van Dyck, Tasso and the Antique », in Milard Meiss (dir.), Latin American Art, and the Baroque Period in Europe. Studies in Western Art, vol. III, Princeton, 1963, p. 12-26.  ; Martin-Méry, 1963 Gilberte Martin-Méry, Delacroix, ses maîtres, ses amis, ses élèves (catalogue d’exposition, Bordeaux, musée des Beaux-Arts, 1963), Bordeaux, 1963. , nº 183 ; Meyer, 1969 Daniel Meyer, « Les tableaux de Saint-Cloud sous Napoléon Ier », Archives de l’art français, vol. 24, Paris, 1969, p. 242-271. , p. 254 et 268 ; Van Gelder, 1974 Jan Gerrit Van Gelder, « Het cabinet van de heer Jacques Meyers », Rotterdams Jaarboekje, 8e série, nº 2, Rotterdam, 1974, p. 167-183. , p. 174 ; Drossaers et Lunsingh Scheurleer, 1974-1976 Sophie Wilhelmina Albertine Drossaers et Theodor Herman Lunsingh Scheurleer, Inventarissen van de inboedels in de verblijven van de Oranjes en daarmede gelijk te stellen stukken 1567-1795, La Haye, 1974-1976, 3 vol. , vol. I, p. 185, 190, 317 et 677, vol. II, p. 372, et vol. III, p. 240 ; Brenninkmeijer-De Rooij, 1976 Beatrijs Brenninkmeijer-De Rooij, « De schilderijengalerij van Prins Willem V op het Buitenhof te Den Haag (2) », Catalogus van het Kabinet Schilderijen van Zijne Doorl. Hoogheid den Heere Prince Van Oranje en Nassau enz. in ’s-Gravenhage, Antiek, La Haye, février 1976, p. 138-176. , nº 192, p. 175 ; Brejon de Lavergnée et Foucart, 1977 Arnauld Brejon de Lavergnée et Jacques Foucart, « Nouvelles précisions sur la collection de tableaux du stadhouder de La Haye », De Schilderijenzaal Prins Willem V te ’s-Gravenhage, Antiek, vol. 11, nº 2, La Haye, 1977, p. 177-185. , p. 175 et 183 ; Foucart, 1977 Jacques Foucart (dir.), Le Siècle de Rubens dans les collections publiques françaises (catalogue d’exposition, Paris, Grand Palais, 1977-1978), Paris, 1977. , nº 109, p. 29 ; Brejon de Lavergnée, Foucart et Reynaud, 1979 Arnauld Brejon de Lavergnée, Jacques Foucart et Nicole Reynaud, Catalogue sommaire illustré des peintures du musée du Louvre. I. Écoles flamande et hollandaise, Paris, 1979. , p. 52 ; Larsen, 1980 Erik Larsen, L’Opera completa di Van Dyck, Milan, 1980, 2 vol. , vol. II, nº 683 ; Larsen, 1988 Erik Larsen, The Paintings of Anthony Van Dyck, Lingen, 1988, 2 vol. , vol. I, p. 273-274, et vol. II, nº 742, p. 294-295 ; Kobayashi-Sato et al., 1989 Collectif (Kobayashi-Sato et al.), Masterpieces of the National Museum of Western Art, Tokyo, Tokyo, 1989. , p. 37 ; Spicer, 1994 Joaneath A. Spicer, « Anthony Van Dyck’s Iconography. An Overview of Its Preparation », Studies in the History of Art, vol. 46 (Symposium Papers XXVI, Van Dyck 350), Washington, 1994, p. 325-364. , p. 333 ; Walsh, 1994 Amy L. Walsh, « Van Dyck at the Court of Frederik Hendrik », Studies in the History of Art, vol. 46 (Symposium Papers XXVI, Van Dyck 350), Washington, 1994, p. 221-244. , p. 228 et 231-232 ; Van der Ploeg et Vermeeren, 1997 Peter Van der Ploeg et Carola Vermeeren (dir.), Princely Patrons. The Collection of Frederick Henry of Orange and Amalia of Solms in The Hague (catalogue d’exposition, La Haye, Mauritshuis, 1997-1998), La Haye, 1997. , p. 61-75 ; Blake, 1999 Robin Blake, Anthony Van Dyck. A Life, 1599-1641, Londres, 1999. , p. 234-236 ; Depauw et Luijten, 1999 Carl Depauw et Ger Luijten (dir.), Antoine Van Dyck et l’estampe (catalogue d’exposition, Anvers, musée Plantin-Moretus, 1999 ; Amsterdam, Rijksmuseum, 1999-2000), Anvers, 1999. , nº 42, p. 311, et p. 314 ; Barnes et al., 2004 Susan J. Barnes, Nora De Poorter, Oliver Millar et Horst Vey, Van Dyck. A Complete Catalogue of the Paintings, Londres et New Haven, 2004. , III. 62, p. 296-297 ; Jonckheere, 2004-2005 Koenraad Jonckheere, « “When the Cabinet from Het Loo was sold”. The Auction of Williams III’s Collection of Paintings, 26 July 1713 », Simiolus-Netherlands Quarterly for the History of Art, vol. 31, nº 3, Amsterdam, 2004-2005, p. 156-215. , p. 180-181 et nº 6, p. 193 ; Foucart, 2009 Jacques Foucart, Catalogue des peintures flamandes et hollandaises du musée du Louvre, Paris, 2009. , p. 129 ; Díaz Padrón, Diéguez Rodríguez et Sanzsalazar, 2012 Matías Díaz Padrón, Ana Diéguez Rodríguez et Jahel Sanzsalazar, Van Dyck en España, Barcelone, 2012, 2 vol. , vol. II, nº 59, p. 478-481 ; Massing, 2012 Ann Massing, Painting Restoration before “La Restauration”. The Origins of the Profession in France, Turnhout, 2012. , note 160, p. 116, note 16, p. 195, et p. 303-304 ; Packer et Sliwka, 2017 Lelia Packer et Jennifer Sliwka (dir.), Monochrome. Painting in Black and White (catalogue d’exposition, Londres, The National Gallery, 2017-2018 ; Düsseldorf, Museum Kunstpalast, 2018), Londres, 2017. , cat. 40, p. 138-142.

    1cat12_p3L’un des rares témoignages de la manière ultraraffinée de Van Dyck à La Haye. Les Orange, qui passèrent commande, donnèrent ici au peintre l’occasion d’une rare créativité.

    2cat12_p4Un couple d’amants langoureusement étendus sous un bouquet d’arbres, l’homme au giron de la femme, évoque ici le thème du guerrier dominé par la passion. On est loin de Vénus tentant de retenir Adonis, un sujet traité par Van Dyck plus de dix ans auparavant12. Le jeune homme, en effet, est entouré d’armes (bouclier retourné au sol, épée dégagée du fourreau avec laquelle jouent deux amours) ici manifestement délaissées ; son regard se perd dans celui de la belle aux cheveux dénoués. Le tableau se souvient des belles antiques (souvent complétées à la Renaissance) montrant Vénus avec un amour essayant le casque, bien trop grand, de Mars13

    3cat12_p5Toute la composition tourne autour des jeux de regards (miroir, miroir des yeux…). Voyez le reflet de la jeune femme, bien identifiable, sur le miroir convexe – tour de force, mais aussi allusion voilée au paragone14. John Smith fait joliment remarquer les amours jouant autour des jeunes gens (« nine other cupids are sportively playing around the lovers15 ») : leur répartition (variée) et leurs activités (mutines) constituent une leçon de goût qu’un Boucher, qui connut certainement le tableau par l’estampe, retiendra16. La révolution qui s’est opérée dans l’art de Van Dyck depuis sa formation par Van Balen est bien illustrée par ces amours : avec leur anatomie découlant du modèle vivant et leurs physionomies individualisées, ils sont très originaux17. Notons aussi que le nombre d’amours dans le tableau est fréquemment mal évalué : il y en a onze (en particulier, deux amours se trouvent derrière celui qui soutient le miroir). La surprise ressentie par le spectateur, au fur et à mesure de leur gracieux décompte, participe du registre aimable et galant de l’œuvre.

    Peinture de Rubens montrant la Vierge présentant l'Enfant Jésus, entourée de plusieurs personnages et d'anges, sous un arbre.
    Fig. 12-1 Pierre Paul Rubens, La Sainte Famille sous le pommier, vers 1630-1632, huile sur panneau, 352 × 233 cm, Vienne, Kunsthistorisches Museum, Gemäldegalerie, 698. Photo © KHM-Museumsverband
    Un grand pommier où jouent deux anges occupe le centre de la composition à l’arrière-plan. À droite, sous une tenture rouge, la Vierge, vêtue de rouge et de bleu, présente l’Enfant Jésus, petit enfant blond et nu, à un couple âgé et à un petit enfant brun, à peine vêtu d’une peau de bête qui lui sert de cape, qui joint les mains en direction de l’Enfant Jésus. L’homme âgé qui porte une grande barbe tend un rameau avec deux pommes au petit Jésus qui l’agrippe. La femme est agenouillée, elle porte un grand voile blanc, sur une robe bleue et orange. Un mouton se tient à ses côtés. À l’extrémité droite du tableau, saint Joseph se tient derrière la Vierge, dans l’ombre de la tenture et regarde la scène.

    4cat12_p6Les Amours de Renaud et Armide, qui vibre d’un coloris vénitien et renvoie délicatement aux amours des Andriens de Titien (Madrid, musée du Prado18), révèle chez Van Dyck une sensibilité sylvestre bien éloignée des réalisations synthétiques des paysagistes flamands tels que De Vadder ou Huysmans. Le savant abandon en un sous-bois évoque, outre Titien, Corrège ; on songe à ce que le jeune prodige flamand écrivit, en 1620, au recto d’une feuille sur laquelle figure un Rapt (Chatsworth, The Devonshire Collection, nº 1012) : « Tis om een loechte maniere19. » Cette « manière aérienne » est ici perceptible et qualifie le sentiment même du tableau. Dans cet esprit, la composition se veut délibérément ingénieuse : perché sur une haute branche (suivant un point de vue qui se souvient des soffitti), un amour jette de petites pommes sur tout ce charmant monde, en contrebas20. Pour ce détail, Van Dyck se sera également souvenu des anges placés, par Rubens, sur un pommier au-dessus de la Sainte Famille sur les volets extérieurs du retable de saint Ildefonse21 (fig. 12-1). C’est l’idée d’un séduisant désordre, ressaisi par la grâce de l’art – un concetto s’il en est.

    5cat12_p7Il n’est guère envisageable de voir ici les amours de Mars et Vénus : les attributs de la déesse manquent, et l’on ne sache que Vénus ait jamais été autant vêtue22. L’atmosphère, un rien anecdotique, évoque bien plutôt le romanesque, l’idylle poétique, plus précisément les écrivains italiens de la fin de la Renaissance. La présence de deux hommes, casqués, que l’on devine (à main gauche) épiant la scène derrière les fourrés, achève la peinture de l’épisode évoqué en même temps qu’elle en donne la clé. Il ne peut s’agir que des amours de l’enchanteresse, ou magicienne, Armide et du croisé Renaud, décrites par le Tasse23 dans La Jérusalem délivrée (1581). On voit ici la scène tirée du chant XVI, strophe 21 : les vers « L’uno di servitú, l’altra d’impero si gloria, ella in se stessa ed egli in lei » résument la servitude du beau chrétien aux jardins d’Armide24.

    6cat12_p8Ce thème des amours de Renaud et Armide, d’une poésie et d’une volupté rares, connut dans la culture des cours d’Europe de l’époque classique une faveur merveilleuse25. On sait l’intérêt des élites anversoises pour le texte, adapté et traduit par Sebastian Vrancx en 1628, ou peu avant26 ; mais c’est le goût de Charles Ier d’Angleterre qui offrit d’abord à Van Dyck l’occasion favorable pour traiter du sujet. Le roi lui commanda, en effet, un Renaud et Armide en 162927. Ce dernier tableau, empreint des souvenirs italiens de l’artiste, dut beaucoup jouer dans l’invitation à la cour des Stuarts. La toile du Louvre, plus modeste mais tout aussi raffinée, succède à ce chef-d’œuvre. Il paraît raisonnable de placer la réalisation de notre peinture alors que Van Dyck est aux Pays-Bas28 (soit entre décembre 1631 et son arrivée, en Angleterre, en avril 1632). Avec Amaryllis et Mirtillo et Achille découvert parmi les filles de Lycomède (tous deux à Pommersfelden, château de Weissenstein), il s’agit d’une commande du stadhouder Frédéric Henri d’Orange-Nassau29. Jeremy Wood insiste sur la veine idyllique qu’incarne cette réalisation pour le prince d’Orange, s’amusant qu’un artiste catholique soit aussi bien reçu par une cour protestante30. Que Van Dyck n’ait pas peint, en Hollande, « la reine ou le roi d’un hiver » comme leurs enfants invite à nuancer cette dernière notation : Élisabeth Stuart (protestante) était une ennemie affichée des Espagnols (catholiques), et Van Dyck arrivant de Bruxelles ne pouvait les portraiturer. Avec le prince et la princesse d’Orange, la situation était différente.

    7cat12_p9Dans le royaume de Charles Ier, La Jérusalem délivrée avait été traduite par Edward Fairfax31 et cette version élisabéthaine est généralement citée comme la source de l’engouement des contemporains pour toutes choses relevant du génie du Tasse. Il faut toutefois rappeler que les Anglais disposaient d’un modèle, proche et parallèle, et d’une poésie au moins égale à celle des amours de Renaud et Armide : Vénus et Adonis de Shakespeare (1593). Ce poème, fondamental dans la propagation en Angleterre d’une sensibilité ovidienne, au sein de laquelle se meuvent des mythes comme celui des jardins d’Adonis32, explique la faveur rencontrée par la traduction de Fairfax comme, par voie de conséquence, celle dont jouit Van Dyck.

    8cat12_p10Mais revenons à la création de Van Dyck durant son séjour à La Haye. Au chant XVI de La Jérusalem délivrée, Carlo et Ubaldo (Charles et Ubalde), deux compagnons de Renaud, découvrent le héros chrétien sur « l’île fortunée » où Armide, qui y a son palais, l’a transporté (« Un’isoletta la qual nome prende con le vicine sue da la Fortuna33 »). Le héros y vit sous l’emprise de la magicienne païenne : l’irruption de ses compagnons permettra à Renaud de rompre le sort et de s’en aller à nouveau combattre. Les lecteurs du Tasse reconnaissent, mêlées, les allusions à Didon (amoureuse rejetée) ou Médée (épouse et magicienne, trahie). Ce sont de telles histoires retravaillées, revécues passionnément, qui peuplent le texte de l’Italien et, par suite, informent la toile de Van Dyck. C’est dire le défi, pour le Flamand, consistant à peindre un tel sujet.

    9cat12_p11À ce titre, il peut sembler surprenant que les contemporains, surtout des hommes agissant à la cour du stadhouder, aient pu méconnaître le sujet du tableau. C’est pourtant ce que firent les rédacteurs d’un inventaire de 1632, qui comprirent la toile comme un Mars et Vénus. Le détail des deux chevaliers chrétiens, venus quérir Renaud et l’enlever d’entre les bras d’Armide, est néanmoins sans ambiguïté. La toile de Van Dyck illustre le texte épique italien, et non les amours des dieux. Relever, dans le tableau, une imprécision iconographique pouvant faciliter un quiproquo qui mènerait à y voir Mars et Vénus, nous paraît abusif34. Que des rédacteurs de catalogue du début du xviie siècle aient fait l’erreur atteste simplement que le texte du Tasse n’était pas si connu à La Haye, et que la culture de cour à l’italienne ne fut qu’imparfaitement entée sur place35.

    10cat12_p12De manière quasi lancinante, Van Dyck a multiplié les détails signalant l’amour physique consommé (l’épée chevauchée, le délicat chausson rouge dans lequel un amour a glissé son pied, le pied nu d’Armide, au moins aussi troublant que son sein découvert). On songe à l’éloge, fait par Cornelis de Bie, des carnations peintes par Van Dyck36. Le thème de l’homme aux pieds de sa belle domine : la baguette que lève un amour vaut métaphore de l’obéissance due à Armide, les accessoires de la toilette féminine (bijoux, peigne, flacons, éventail en plume d’autruche, miroir) règnent en maîtres, envahissant l’espace pictural. L’amour, au premier plan, a noué un tissu (déchiré ?, détail piquant) à sa cheville ; on remarque aussi un chien de manchon dans les bras d’un de ses compagnons : l’idée d’un Renaud efféminé, que sa faiblesse devrait rendre honteux, est bien évoquée dans le poème. Armide, au centre de l’image, a pris l’ascendant.

    Peinture de Van Dyck représentant le même tableau des Amours de Renaud et Armide, en grisaille (camaïeu de gris).
    Fig. 12-2 Antoon Van Dyck, Les Amours de Renaud et Armide, 1634-1635, huile sur panneau, 57 × 41,5 cm, Londres, The National Gallery, NG877.2. Photo © The National Gallery, Londres
    Une grisaille mise au carreau montre, à l’ombre d’un bosquet d’arbres, un jeune homme à demi-allongé sur le sol qui repose sa tête sur les genoux d’une jeune femme aux longs cheveux blonds dénoués dont la robe laisse sa poitrine dénudée. Elle se penche vers lui tout en observant des yeux les amours qui jouent avec les armes du jeune homme (épée, bouclier) et les accessoires de toilette féminine (bijoux, peigne, flacons, éventail en plume d’autruche, miroir).
    Gravure d'après Van Dyck représentant le même tableau des Amours de Renaud et Armide, inversé.
    Fig. 12-3 Pieter de Jode le Jeune d’après Antoon Van Dyck, Les Amours de Renaud et Armide, 1644, burin, 61,2 × 42 cm, Vienne, Albertina, H/II/32/48. Photo © The Albertina Museum, Vienne
    Cette estampe représente un jeune homme à demi-allongé sur le sol qui repose sa tête sur les genoux d’une jeune femme aux longs cheveux blonds dénoués dont la robe pourpre laisse sa poitrine dénudée. Elle se penche vers lui tout en observant des yeux les amours qui jouent avec les armes du jeune homme (épée, bouclier) et les accessoires de toilette féminine (bijoux, peigne, flacons, éventail en plume d’autruche, miroir). Cachés derrière un buisson, deux soldats casqués regardent les deux personnages principaux. À l’arrière-plan, les arbres situent la scène dans un paysage champêtre.

    11cat12_p13À La Haye, Van Dyck achève le Renaud et Armide du Louvre peu avant son départ pour l’Angleterre, au printemps 1632. Il est communément admis que sur la même composition suivront, en 1634-1635, une grisaille mise au carreau (fig. 12-2) en vue de l’exécution d’une planche gravée et, en 1644, ladite planche due à Pieter de Jode le Jeune37 (fig. 12-3). Un grand cuivre attribué à Frans Wouters (mort en 1659), dans lequel le couple est cité « mot à mot » (mais inversé), dit le succès de la planche38. Notre peinture devait être un dessus de cheminée commandé par Frédéric Henri et Amalia Van Solms. Cette séquence, qui fait du tableau du Louvre une propriété de la maison d’Orange pendant un siècle et demi, repose sur la lecture de l’inventaire haguenais de 1632, déjà cité, dont les termes évoquant (à tort) Mars et Vénus correspondent pourtant assez à notre peinture.

    12cat12_p14Toutefois, la possession continue des Amours de Renaud et Armide par les Orange, de 1632 à 1795 (date de l’arrivée en France du tableau), reste un sujet alimentant la critique historique. Certains reconnaissent en effet la peinture dans l’un des lots de la vente du château de Het Loo, en 171339. D’autres suggèrent que le tableau du Louvre est une ancienne possession de la couronne espagnole, accrochée à l’Alcazar, laquelle avait été jusqu’à présent confondue avec le tableau de Baltimore40. Pour autant que nous puissions juger, la toile du Louvre ne peut être identifiée avec celle signalée en Espagne dès 165141. De manière plus générale, il semble que certaines réalisations de Van Dyck sur ce thème si prisé des amours de Renaud et Armide aient été perdues, ce qui est propice à alimenter les supputations sur toute œuvre encore sur le marché42.

    13cat12_p15La toile parisienne, au « lyrisme voluptueux43 » selon Charles Sterling, demeure une image familière en raison d’un certain nombre de copies (par exemple, Greenville, Bob Jones University Museum & Gallery, toile anonyme), dont certaines dérivent des gravures en circulation (Michiel Cabbaey, 1695, gouache sur parchemin44). Ce sont bien les estampes qui diffusèrent la composition aujourd’hui au Louvre, et ce jusque dans un tableau de Jan Steen, dont l’éclectisme déconcertant puisa ainsi chez Van Dyck45.

    1. Massing, 2012 Ann Massing, Painting Restoration before “La Restauration”. The Origins of the Profession in France, Turnhout, 2012. .

    2. Émile-Mâle, 1957 Gilberte Émile-Mâle, « Jean-Baptiste Pierre Lebrun (1748-1813). Son rôle dans l’histoire de la restauration des tableaux du Louvre », in Paris et Ile-de-France. Mémoires, tome VIII, année 1956, Paris, 1957, p. 371-417. .

    3. Compte-rendu de la commission de restauration du 23 janvier 1939.

    4. Compte-rendu de la commission de restauration du 28 mars 1950.

    5. Dossier C2RMF : F5683 ; dossier de restauration : P289.

    6. Drossaers et Lunsingh Scheurleer, 1974-1976 Sophie Wilhelmina Albertine Drossaers et Theodor Herman Lunsingh Scheurleer, Inventarissen van de inboedels in de verblijven van de Oranjes en daarmede gelijk te stellen stukken 1567-1795, La Haye, 1974-1976, 3 vol. , vol. I, p. 317 ; l’inventaire en question est une « specificatie », terme usuel pour désigner un inventaire des biens dans le cadre d’une succession – l’inventaire après décès de Rubens est désigné, en 1640, par ce terme de « spécification » : « Specification des peintures trouvées à la maison mortuaire du feu messire Pierre Paul Rubens » (Healy et Lohse Belkin, 2004 Fiona Healy et Kristin Lohse Belkin (dir.), A House of Art. Rubens as Collector (catalogue d’exposition, Anvers, Rubenshuis, 2004), Anvers, 2004. , p. 328 et suiv.).

    7. Van der Ploeg et Vermeeren, 1997 Peter Van der Ploeg et Carola Vermeeren (dir.), Princely Patrons. The Collection of Frederick Henry of Orange and Amalia of Solms in The Hague (catalogue d’exposition, La Haye, Mauritshuis, 1997-1998), La Haye, 1997. , p. 66, précise que le document répartissant l’héritage d’Amalia Van Solms (dont nos Amours de Renaud et Armide) entre ses filles a été signé le 30 avril 1676.

    8. Van der Ploeg et Vermeeren, 1997 Peter Van der Ploeg et Carola Vermeeren (dir.), Princely Patrons. The Collection of Frederick Henry of Orange and Amalia of Solms in The Hague (catalogue d’exposition, La Haye, Mauritshuis, 1997-1998), La Haye, 1997. , p. 69.

    9. Drossaers et Lunsingh Scheurleer, 1974-1976 Sophie Wilhelmina Albertine Drossaers et Theodor Herman Lunsingh Scheurleer, Inventarissen van de inboedels in de verblijven van de Oranjes en daarmede gelijk te stellen stukken 1567-1795, La Haye, 1974-1976, 3 vol. , vol. III, p. 240.

    10. Archives nationales, F17 1236.

    11. Le Catalogue raisonné des tableaux et des sculptures. Musée royal de La Haye (Mauritshuis), par A. Bredius et C. Hofstede de Groot (La Haye, 1895), classe le tableau comme copie d’après Van Dyck (nº 14).

    12. Dans un dessin (1910,0212.210) au British Museum (Vey, 1962 Horst Vey, Die Zeichnungen Anton van Dycks (Monographien des « Nationaal Centrum voor de Plastische Kunsten van xvide en xviide Eeuw »), Bruxelles, 1962, 2 vol. (le premier consacré aux textes et notices, le second aux illustrations). , nº 25 ; voir aussi Barnes et al., 2004 Susan J. Barnes, Nora De Poorter, Oliver Millar et Horst Vey, Van Dyck. A Complete Catalogue of the Paintings, Londres et New Haven, 2004. , I. 85).

    13. Par exemple la Vénus en armes de l’ancienne collection de Tibère Ceuli, acheté en 1607 par Scipion Borghèse (aujourd’hui au musée du Louvre, Ma 270).

    14. À notre connaissance, ce reflet admirable n’a jamais été relevé.

    15. Smith, 1829-1842 John Smith, A Catalogue Raisonné of the Works of the Most Eminent Dutch, Flemish and French Painters…, Londres, 1829-1842, 9 vol. dont un supplément. , vol. III, nº 279.

    16. Voir son morceau de réception à l’Académie, en 1734 (Renaud et Armide, musée du Louvre, INV. 2720), ou encore, de 1744, Diane et Callisto au musée Pouchkine, l’une des créations les plus vandyckiennes de Boucher (F-733). On songe aussi à La Fosse, voir son traitement du sujet à Basildon Park, étudié par Gustin-Gomez, 2006 Clémentine Gustin-Gomez, Charles de La Fosse, 1636-1716. Le maître des modernes, Dijon, 2006, 2 vol. , vol. II, nº P 140.

    17. Voyez, au musée des Beaux-Arts de Lyon, La Terre (A 77) de Van Balen et Brueghel de Velours : les amours entourant Cérès y sont autant de poupées de cire.

    18. Toile, 175 × 193 cm, P000418.

    19. « [l’enjeu] est une manière aérienne » (traduction libre). Bien sûr, il ne s’agit pas seulement de la peinture de paysage, mais de style en général. La formule définit magnifiquement l’art de Van Dyck. Voir Lammertse et Vergara, 2012 Friso Lammertse et Alejandro Vergara (dir.), El joven Van Dyck (catalogue d’exposition, Madrid, Museo Nacional del Prado, 2012-2013), Madrid, 2012. , p. 62-63 (idée reprise dans Gruber, Sander et Weppelmann, 2017 Gerlinde Gruber, Jochen Sander et Stefan Weppelmann, Rubens. Kraft der Verwandlung (catalogue d’exposition, Vienne, Kunsthistorisches Museum, 2017-2018 ; Francfort-sur-le-Main, Städel Museum, 2018), Vienne, 2017. , p. 36-37), et, fondamentalement, Vey, 1962 Horst Vey, Die Zeichnungen Anton van Dycks (Monographien des « Nationaal Centrum voor de Plastische Kunsten van xvide en xviide Eeuw »), Bruxelles, 1962, 2 vol. (le premier consacré aux textes et notices, le second aux illustrations). , nº 103, pl. 136, pour ce dessin au pinceau, lavé de brun, craie noire sur papier blanc, 16,2 × 22,8 cm, montrant une Étude pour une scène de l’histoire antique (?), sans doute un Rapt.

    20. Van Dyck, à la même époque, dans son Amaryllis et Mirtillo (Pommersfelden, château de Weissenstein, 44, voir Barnes et al., 2004 Susan J. Barnes, Nora De Poorter, Oliver Millar et Horst Vey, Van Dyck. A Complete Catalogue of the Paintings, Londres et New Haven, 2004. , III. 60) peint des amours voletant au-dessus d’amoureux. Les deux tableaux sont contemporains : la toile du Louvre, du point de vue de la composition, est comme une variante simplifiée du tableau allemand.

    21. Le motif des amours qui, depuis de hautes branches, jettent des pommes, a connu diverses inflexions dans l’œuvre rubénien : en 1615, Rubens peint des Nymphes remplissant la corne d’abondance (bois, 67,5 × 107 cm, La Haye, Mauritshuis, 234) où les pommes, lancées par un putto, s’amoncellent dans des paniers.

    22. L’erreur d’identification se trouve cependant dans les inventaires anciens, en particulier celui de 1632.

    23. Torquato Tasso. Le Tasse avait achevé son poème en 1575.

    24. « L’un se glorifie de sa servitude, l’autre de son empire. Armide ne voit qu’elle-même, Renaud ne voit qu’Armide. »

    25. Lui-même produit sophistiqué de l’univers aulique, le poème du Tasse est dédié au duc de Ferrare Alphonse II d’Este – la culture ferraraise qui enfanta Dosso et Battista Dossi goûtait particulièrement le mélange néo-chevaleresque et antiquisant qui forme la substance même de La Jérusalem… Il semble que le tempérament onirique de Van Dyck se soit éployé aisément dans cet univers.

    26. Depauw et Luijten, 1999 Carl Depauw et Ger Luijten (dir.), Antoine Van Dyck et l’estampe (catalogue d’exposition, Anvers, musée Plantin-Moretus, 1999 ; Amsterdam, Rijksmuseum, 1999-2000), Anvers, 1999. , nº 42, p. 314.

    27. 235,3 × 228,7 cm, Baltimore, Baltimore Museum of Arts, The Jacob Epstein Collection, BMA 1951.103 ; Barnes et al., 2004 Susan J. Barnes, Nora De Poorter, Oliver Millar et Horst Vey, Van Dyck. A Complete Catalogue of the Paintings, Londres et New Haven, 2004. , III. 61 (achat effectué par l’entremise d’Endymion Porter). Une copie anonyme réduite se trouve aux Musées royaux des Beaux-Arts de Bruxelles, panneau, 56,5 × 41,5 cm, nº 3781 (Pauwels, 1984 Henri Pauwels, Catalogue inventaire de la peinture ancienne. Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique, département d’Art ancien, Bruxelles, 1984. la classe comme originale, préparatoire à la toile de Baltimore).

    28. La tentation exista de basculer dans la période anglaise : Glück, 1931 Gustav Glück, Van Dyck. Des Meisters Gemälde in 571 Abbildungen, Berlin et Stuttgart, coll. « Klassiker der Kunst », 1931. situe ainsi le tableau du Louvre au début de celle-ci et Sterling, 1936 Charles Sterling, Rubens et son temps (catalogue d’exposition, Paris, Musée national de l’orangerie des Tuileries, 1936-1937), Paris, 1936. en évoque la possibilité. Nous voyons là l’influence, sur la critique, d’Amour et Psyché (collection de S.M. la reine Élisabeth II, RCIN 405571, Barnes et al., 2004 Susan J. Barnes, Nora De Poorter, Oliver Millar et Horst Vey, Van Dyck. A Complete Catalogue of the Paintings, Londres et New Haven, 2004. , IV. 3), peint au début de la période anglaise mais d’un style bien plus dépouillé.

    29. Barnes et al., 2004 Susan J. Barnes, Nora De Poorter, Oliver Millar et Horst Vey, Van Dyck. A Complete Catalogue of the Paintings, Londres et New Haven, 2004. , III. 60 et III. 58, respectivement pour ces deux toiles. Van Dyck fit le portrait de Frédéric Henri (1631-1632, musée du Prado, P01482, mais Barnes et al., 2004 Susan J. Barnes, Nora De Poorter, Oliver Millar et Horst Vey, Van Dyck. A Complete Catalogue of the Paintings, Londres et New Haven, 2004. , III. 112, indique le tableau de Baltimore comme version princeps) et de son épouse Amalia Van Solms.

    30. Voir « Dyck, Sir Anthony [formerly Antoon] Van », Oxford Dictionary of National Biography (https://doi.org/10.1093/ref:odnb/28081, consulté le 6 août 2019).

    31. Godfrey of Bulloigne, or the Recoverie of Jerusalem, done into English heroicall verse, from the Italian of Tasso, by Edward Fairefax, in-folio, Londres, 1600.

    32. « So soon was she [Venus] along as he [Adonis] was down, / Each leaning on their elbows and their hips: / Now doth she stroke his cheek, now doth he frown, / And ‘gins to chide, but soon she stops his lips; / And kissing speaks, with lustful language broken, / ‘If thou wilt chide, thy lips shall never open.’ » Ce passage de Venus and Adonis (vers 43-48) montre Shakespeare décrivant une scène semblable, ou c’est tout comme, à celle vécue par Renaud dans les bras d’Armide.

    33. Le lieu enchanteur est décrit plus tôt dans le poème : « […] une de ces îles désertes, nommées îles de la Fortune » (La Jérusalem délivrée, chant XIV, strophe 70).

    34. Depauw et Luijten, 1999 Carl Depauw et Ger Luijten (dir.), Antoine Van Dyck et l’estampe (catalogue d’exposition, Anvers, musée Plantin-Moretus, 1999 ; Amsterdam, Rijksmuseum, 1999-2000), Anvers, 1999. , nº 42, p. 311. Le thème du miroir n’a pas, ici, pour source les diverses Vénus du Titien occupées à se mirer, mais bien le texte du Tasse lui-même.

    35. « Een stuck schilderie daerinne Mars leyt en rust met sijn hoofft in de schoot van Venus, daerbij sit en Cupido, met rode fuweele muyl aen de voet ende een coussebant aen sijn been, dienende om voor een schoorsteen te stellen, door Van Dijck gedaen », cité dans Drossaers et Lunsingh Scheurleer, 1974-1976 Sophie Wilhelmina Albertine Drossaers et Theodor Herman Lunsingh Scheurleer, Inventarissen van de inboedels in de verblijven van de Oranjes en daarmede gelijk te stellen stukken 1567-1795, La Haye, 1974-1976, 3 vol. , vol. I, nº 95, p. 185 (« Tableau représentant Mars couché et reposant la tête au giron de Vénus, un amour assis à leurs côtés, avec une mule de velours rouge au pied et un ruban à la cheville, devant servir de dessus-de-cheminée, réalisé par Van Dijck. », traduction libre). Cette description erronée – il ne s’agit pas de Mars et Vénus – est tirée de l’inventaire des biens du prince Frédéric Henri d’Orange et de son épouse Amalia Van Solms, rédigé en 1632. Le tableau de Van Dyck se trouvait alors dans le « stadhouderlijk kwartier », soit les appartements du stadhouder, sur le Binnenhof. Le Van Dyck, s’il faut croire l’inventaire, voisinait avec une Annonciation de Rubens (nº 94) ou, non loin, une Mélancolie donnée à Jan Lievens (nº 89).

    36. « Vleesachtich in het Naeckt, soo foortsich sterck en vast… » (« Semblable à la peau lorsque traitant du nu, si adroitement fort et ferme… », Bie, 1661 Cornelis de Bie, Het gulden Cabinet van de edel vry schilder const, inhoudende den lof van de vermarste schilders, architecten, beldthouwers ende plaetsnyders van dese eeuw, Anvers, 1661. , p. 76).

    37. Voir Roy, 1999 Ashok Roy, « The National Gallery Van Dycks. Technique and Development », National Gallery Technical Bulletin, vol. 20, Londres, 1999, p. 50-83 (http://www.nationalgallery.org.uk/technical-bulletin/roy1999a consulté le 15 avril 2022). , p. 68, pour la grisaille qui apparaît dans l’inventaire après décès d’Alexander Voet (6-15 octobre 1689) : « Een stucxken wit en swert wesende een Armida van Van Dijck, get[eeckent] : nº 9. » (D’après Ingrid Moortgat, http://jordaensvandyck.org/archive/armida-in-the-inventory-of-alexander-voet et aussi http://jordaensvandyck.org/archive/armida-bought-by-alexander-voet, consultés le 30 mars 2018) Sur la gravure, voir Hollstein, 1949- Friedrich Wilhelm Hollstein et al., Dutch and Flemish Etchings and Engravings and Woodcuts, ca. 1450-1700, 72 vol., Amsterdam, 1949-1987 ; Roosendaal, 1988-1993 ; Rotterdam, 1995-2004 ; Ouderkerk aan den IJssel, 2005-2010. , VI, nº 340, et IX, nº 26, et New Hollstein, Van Dyck, 2002 The New Hollstein Dutch & Flemish Etchings, Engravings and Woodcuts, 1450-1700. Anthony Van Dyck, vol. I à VIII, avec un guide du catalogue, compilation par Simon Turner et édition par Carl Depauw, Rotterdam, 2002. , VIII, nº 625. Ce burin est régulièrement décrit comme étant réalisé dans le même sens que la grisaille (Roy, 1999 Ashok Roy, « The National Gallery Van Dycks. Technique and Development », National Gallery Technical Bulletin, vol. 20, Londres, 1999, p. 50-83 (http://www.nationalgallery.org.uk/technical-bulletin/roy1999a consulté le 15 avril 2022). , p. 68, ou, plus récemment, Packer et Sliwka, 2017 Lelia Packer et Jennifer Sliwka (dir.), Monochrome. Painting in Black and White (catalogue d’exposition, Londres, The National Gallery, 2017-2018 ; Düsseldorf, Museum Kunstpalast, 2018), Londres, 2017. , cat. 40) : on parle alors, en réalité, de la copie d’après Van Dyck (en l’occurrence, d’après Jode le Jeune) par le graveur français François Ragot, copie qui est effectivement dans le sens de la peinture. Le burin de Jode est, lui, inversé (et présente deux états) – ce que rappelait Larsen, 1988 Erik Larsen, The Paintings of Anthony Van Dyck, Lingen, 1988, 2 vol. , vol. II, nº 744. Il fut publié par l’Anversois Joannes Caspeels (mort en 1655). Pour le portrait de Jode d’après Van Dyck (et gravé par lui-même), voir New Hollstein, Van Dyck, 2002 The New Hollstein Dutch & Flemish Etchings, Engravings and Woodcuts, 1450-1700. Anthony Van Dyck, vol. I à VIII, avec un guide du catalogue, compilation par Simon Turner et édition par Carl Depauw, Rotterdam, 2002. , II, nº 69. La planche originale est conservée à la chalcographie du Louvre, nº 2338. Voir aussi Spicer, 1994 Joaneath A. Spicer, « Anthony Van Dyck’s Iconography. An Overview of Its Preparation », Studies in the History of Art, vol. 46 (Symposium Papers XXVI, Van Dyck 350), Washington, 1994, p. 325-364. , p. 333.

    38. Vente Lempertz, Cologne, 11 décembre 1989, lot 72, cuivre, 87 × 104 cm [sic]. Le peintre qui exécuta cette interprétation précieuse de l’original de Van Dyck ajouta à la scène un palais, des personnages dans un jardin et même une Vénus sur son char tiré par des colombes.

    39. Ce dont se fait l’écho Larsen, 1988 Erik Larsen, The Paintings of Anthony Van Dyck, Lingen, 1988, 2 vol. , vol. II, nº 742, qui note que cette interprétation laisse un blanc, dans la provenance du tableau, durant la plus grande partie du xviiie siècle. Erik Larsen renvoie (à tort) à Van Gelder, 1974 Jan Gerrit Van Gelder, « Het cabinet van de heer Jacques Meyers », Rotterdams Jaarboekje, 8e série, nº 2, Rotterdam, 1974, p. 167-183. . Le tableau semble bien avoir été à Het Loo en 1713, si l’on en croit un inventaire de 1713, nº 837 (Drossaers et Lunsingh Scheurleer, 1974-1976 Sophie Wilhelmina Albertine Drossaers et Theodor Herman Lunsingh Scheurleer, Inventarissen van de inboedels in de verblijven van de Oranjes en daarmede gelijk te stellen stukken 1567-1795, La Haye, 1974-1976, 3 vol. , vol. I, p. 677). En 1713 toujours, à la vente des collections de Guillaume III, un Renaud et Armide fut vendu au marchand Quirijn Van Biesum de Rotterdam, pour mille florins (lot 6) – Van Biesum agissant pour le compte de Jacques Meyers, autre marchand (Jonckheere, 2004-2005 Koenraad Jonckheere, « “When the Cabinet from Het Loo was sold”. The Auction of Williams III’s Collection of Paintings, 26 July 1713 », Simiolus-Netherlands Quarterly for the History of Art, vol. 31, nº 3, Amsterdam, 2004-2005, p. 156-215. , p. 180-181). Le tableau, suivant cette optique, aurait par la suite réintégré les possessions de la maison d’Orange. Jan Gerrit Van Gelder a cependant démontré que les dimensions de l’œuvre acquise par Jacques Meyers ne correspondaient pas à celles du tableau du Louvre, évoquant un exemplaire au palais de Sanssouci comme meilleur candidat (Van Gelder, 1974 Jan Gerrit Van Gelder, « Het cabinet van de heer Jacques Meyers », Rotterdams Jaarboekje, 8e série, nº 2, Rotterdam, 1974, p. 167-183. , p. 174 ; il s’agit du Smith, 1829-1842 John Smith, A Catalogue Raisonné of the Works of the Most Eminent Dutch, Flemish and French Painters…, Londres, 1829-1842, 9 vol. dont un supplément. , vol. III, nº 125, œuvre qui appartint au duc de Tallard, et dont parle Dezallier d’Argenville dans son Voyage pittoresque de Paris, édition de 1752 ; la toile, 187,5 × 147 cm, GK I 7574, plus petite que celle à Baltimore, entra dans la collection de Frédéric le Grand en 1756). Cette méprise (croire que le tableau du Louvre est celui de la vente de 1713) atteste qu’un certain nombre de versions vandyckiennes, répliques, variantes, copies étaient en circulation sur le thème séduisant imaginé par le Tasse. Voir ainsi Kobayashi-Sato et al., 1989 Collectif (Kobayashi-Sato et al.), Masterpieces of the National Museum of Western Art, Tokyo, Tokyo, 1989. , A-8, qui traite d’une vraisemblable copie anonyme, aujourd’hui en mains privées au Japon ; à la vente Pauwels-Allard, Bruxelles, 21 novembre 1927, lot 50, figure une copie sur toile du tableau du Louvre, dans le même sens, 65 × 42 cm (attribuée à Van Dyck). Autre copie, vente D. Arnon, Christie’s, Londres, 11 décembre 1959, lot 76. Autre copie signalée à Rotterdam en 1983. Copie vente Dorotheum, Vienne, 10 décembre 2015, lot 10. Enfin, citons la feuille du Chrysler Museum of Art, Norfolk, vers 1627 (?), 25,1 × 34,3 cm, 71.458, peut-être préparatoire au tableau naguère au Museum of Fine Arts, Boston, 47.1269 (mais ce dernier est sans doute une copie ancienne ; vente Sotheby’s, New York, 15 janvier 1993, lot 8). Tout cela atteste que Van Dyck a beaucoup travaillé l’épisode des amours de Renaud et Armide.

    40. Díaz Padrón, Diéguez Rodríguez et Sanzsalazar, 2012 Matías Díaz Padrón, Ana Diéguez Rodríguez et Jahel Sanzsalazar, Van Dyck en España, Barcelone, 2012, 2 vol. , vol. II, nº 59, note 15, p. 480. Cette interprétation souligne que les rédacteurs des inventaires royaux espagnols signalent que les figures sont de petite taille (« figuras pequeñas »), ce qui ne saurait s’appliquer, suivant cette interprétation, aux personnages de la toile de Baltimore. Ces derniers sont évidemment bien plus grands que ceux de la toile du Louvre – mais la comparaison ne vaut pas, puisque les scripteurs espagnols n’avaient qu’un seul tableau sous les yeux, et l’Armide de Baltimore, penchée sur Renaud, mesure environ… 120 cm. Les personnages du tableau américain sont d’une échelle inférieure à la grandeur nature et peuvent être décrits comme « petits ». La légende de l’image dans Díaz Padrón, Diéguez Rodríguez et Sanzsalazar, 2012 Matías Díaz Padrón, Ana Diéguez Rodríguez et Jahel Sanzsalazar, Van Dyck en España, Barcelone, 2012, 2 vol. , vol. II, nº 59, p. 478, manque malheureusement (il ne s’agit pas du tableau du Louvre) : ce doit être Larsen, 1988 Erik Larsen, The Paintings of Anthony Van Dyck, Lingen, 1988, 2 vol. , vol. II, nº 743 (localisation actuelle inconnue).

    41. Larsen, 1988 Erik Larsen, The Paintings of Anthony Van Dyck, Lingen, 1988, 2 vol. , vol. II, nº 743, est présenté comme une réplique autographe du tableau du Louvre. Sur photographie, l’œuvre apparaît inégale et n’emporte pas la conviction. Erik Larsen observe que les dimensions de ce tableau sont plus grandes que celles du tableau français.

    42. Barnes et al., 2004 Susan J. Barnes, Nora De Poorter, Oliver Millar et Horst Vey, Van Dyck. A Complete Catalogue of the Paintings, Londres et New Haven, 2004. , III. 61, relève qu’Oliver Millar s’étonnait du faible montant qu’un tableau comme celui de Baltimore est censé avoir rapporté à Van Dyck et suggérait que ces sommes (paiements de 1629 et 1630) se rapportent à une autre peinture (perdue). En 1930 déjà, Sophie W. A. Drossaers relevait l’existence d’une version de notre tableau à Clumber Park, possession du duc de Newcastle – cette demeure a été détruite en 1938 –, mais aussi au château de Dessau (Drossaers, 1930 Sophie Wilhelmina Albertine Drossaers (dir.), « Inventaris van de meubelen van het Stadhouderlijk kwartier met het Speelhuis en van het Huis in het Noordeinde te ’s-Gravenhage », Oud Holland, vol. 47, nº 5, Amsterdam, 1930, p. 193-236. , p. 204). De manière générale, la veine titianesque et idyllique se maintint chez Van Dyck alors qu’il travaillait en Angleterre : son Amour et Psyché (1639-1640, collection de S.M. le roi Charles III, RCIN 405571) évoque immanquablement son traitement des amours de Renaud et Armide (ce que remarque Barnes et al., 2004 Susan J. Barnes, Nora De Poorter, Oliver Millar et Horst Vey, Van Dyck. A Complete Catalogue of the Paintings, Londres et New Haven, 2004. , IV. 3, mais en se limitant au tableau de Baltimore, selon nous de manière trop restrictive). Sur le tableau des collections royales anglaises, voir, outre Barnes et al., 2004 Susan J. Barnes, Nora De Poorter, Oliver Millar et Horst Vey, Van Dyck. A Complete Catalogue of the Paintings, Londres et New Haven, 2004. , la notice de K. Hearn dans Hearn, 2009 Karen Hearn (dir.), Van Dyck and Britain (catalogue d’exposition, Londres, Tate Britain, 2009), Londres, 2009. , nº 29.

    43. Voluptueux, mais aussi stylé : les gants de Renaud ont trouvé place dans une gantière métallique (de style auriculaire), au premier plan (Sterling, 1936 Charles Sterling, Rubens et son temps (catalogue d’exposition, Paris, Musée national de l’orangerie des Tuileries, 1936-1937), Paris, 1936. , nº 27, p. 53-54).

    44. Cette dernière œuvre, 16,5 × 22,8 cm, Dublin, collection H. Heasler. Michiel Cabbaey est un peintre anversois, actif des années 1670 à sa mort en 1722.

    45. Jan Steen, La Visite du médecin (Londres, Apsley House). Cité d’après Depauw et Luijten, 1999 Carl Depauw et Ger Luijten (dir.), Antoine Van Dyck et l’estampe (catalogue d’exposition, Anvers, musée Plantin-Moretus, 1999 ; Amsterdam, Rijksmuseum, 1999-2000), Anvers, 1999. , nº 42, note 21, p. 317, qui signale aussi une copie sculptée sur bois [sic] au Kunsthistorisches Museum de Vienne, 3523. Le musée des Beaux-Arts, à Orléans, possède un Renaud et Armide de Ferdinand Bol (76-13-1) qui prouve que ce dernier connaissait la gravure de Jode.