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    Charles François Félu, d’après Antoon Van Dyck

    Déploration sur le corps du Christ mort

    Notes sur l’état de l’œuvre

    cat30_p0Dernière intervention en 1978 (support consolidé, vernis allégé) ; état actuel moyen, traces d’abrasion sur le vernis.

    Historique

    cat30_p1Acquis par arrêté du 8 août 1864 par Napoléon III, sur la Liste civile pour 800 francs1 (commandes et acquisitions du domaine privé de l’empereur, Archives des musées nationaux, domaine privé nº 523) ; non restitué à l’impératrice Eugénie en 1879-1880 avec les autres œuvres de la Liste civile ; transféré au Louvre et répertorié seulement en 1941 (inventaire L. 41-54 : Jules ? Pede) ; resté au Louvre pendant la guerre ; porté à l’inventaire supplémentaire en 1978 (comme Jules Pede) ; finalement identifié comme Félu en 2000.

    Bibliographie

    cat30_p2Schaeffer, 1909 Emil Schaeffer, Van Dyck. Des Meisters Gemälde in 537 Abbildungen, Leipzig et Stuttgart, coll. « Klassiker der Kunst », 1909.  ; Brejon de Lavergnée, Foucart et Reynaud, 1979 Arnauld Brejon de Lavergnée, Jacques Foucart et Nicole Reynaud, Catalogue sommaire illustré des peintures du musée du Louvre. I. Écoles flamande et hollandaise, Paris, 1979. , p. 54 ; Brown et Elliott, 2002 Jonathan Brown et John Huxtable Elliott (dir.), La Almoneda del siglo. Relaciones artísticas entre España y Gran Bretaña, 1604-1655 (catalogue d’exposition, Madrid, Museo Nacional del Prado, 2002), Madrid, 2002. , nº 59, p. 268 ; Barnes et al., 2004 Susan J. Barnes, Nora De Poorter, Oliver Millar et Horst Vey, Van Dyck. A Complete Catalogue of the Paintings, Londres et New Haven, 2004. , III. 33 ; Foucart, 2009 Jacques Foucart, Catalogue des peintures flamandes et hollandaises du musée du Louvre, Paris, 2009. , p. 330.

    1cat30_p3Une belle et experte copie d’un célèbre tableau de Van Dyck, par un peintre né sans bras. Une rareté dans les collections nationales2.

    Peinture de Van Dyck représentant une déploration, avec la Vierge éplorée tenant contre elle le corps du Christ mort, allongé.
    Fig. 30-1 Antoon Van Dyck, Déploration sur le corps du Christ mort, vers 1640, huile sur toile, 115,5 × 207,5 cm, Anvers, Koninklijk Museum voor Schone Kunsten Antwerpen, 404. Photo CC0 Collection KMSKA – Communauté flamande
    Le corps du Christ mort est allongé sur un linge blanc sur le sol. Sa tête et ses épaules reposent sur un drapé bleu qui enveloppe les genoux de la Vierge, assise à gauche de la composition. La Vierge dont les cheveux sont couverts par un grand voile brun ouvre largement les bras en signe de déploration et lève les yeux vers le ciel. Un jeune homme brun vêtu d’une tunique rouge (saint Jean) soulève une main du Christ et montre du doigt sa plaie à deux anges surgis des nuées qui se désolent. L’un d’entre eux est blond et cache sa tête entre ses mains. L’autre qui est brun joint les mains en signe de prière.

    2cat30_p4Le San Francisco Call, dans son édition du 18 février 1900, donne une chronique nécrologique très sensible du peintre belge Charles François Félu3 (fig. 30-2). Cet artiste, né sans bras, développa un prodigieux talent de peintre (signant ainsi ses œuvres « pede pinxit », comme ici, soit « peint avec le pied »4) et se fit remarquer, notamment, pour ses copies d’après les tableaux du Victoria and Albert Museum, à Londres, ou ceux du Koninklijk Museum voor Schone Kunsten Antwerpen, à Anvers5 .

    3cat30_p5Félu copie ici un grand format de Van Dyck qui se trouvait en l’église anversoise des Récollets. Ce dernier tableau, connu comme « Petite déploration6 », fut emporté par les Français à Paris en 1794 et repartit en 1815, mais fut installé au musée d’Anvers (fig. 30-1). Il s’agit de l’imposante Lamentation commandée par l’abbé Cesare Alessandro Scaglia pour l’autel de la chapelle Notre-Dame-des-Sept-Douleurs, dans l’église des frères récollets. Cette chapelle devait servir de dernière demeure à Scaglia ; Van Dyck a pu exécuter son tableau en 1640 selon Oliver Millar7.

    Photographie ancienne montrant le peintre Charles Félu assis peignant, en tenant le pinceau avec son pied, le portrait d'un homme en buste.
    Fig. 30-2 Anonyme, Portrait de Charles Félu, 1870-1890, tirage sur papier albuminé, 8,6 × 5,6 cm (photographie), Paris, musée Carnavalet – Histoire de Paris, PH50416, détail. Photo CC0 Paris Musées / Musée Carnavalet
    Cette photographie montre le peintre infirme (dépourvu de bras) Charles Félu qui pose en train de peindre. Il est assis en tailleur sur un tabouret, tient son pinceau entre ses orteils et de l’autre une palette et semble travailler à un portrait déjà encadré, placé sur un chevalet.

    4cat30_p6On reste confondu devant la réussite de Félu qui copia à l’échelle, avec sensibilité, une composition si subtile, dans un format si majestueux. Le rendu du corps du Christ (un morceau délicat pour tout copiste), que Van Dyck lui-même dériva de l’étude du modèle vivant, est particulièrement heureux8.

    5cat30_p7Si Félu copia d’après l’original, il faut ici rappeler que c’est le plus souvent par la gravure que les copistes ont connaissance d’une composition. Ce fut certainement le cas d’Alonso Cano, le peintre et sculpteur espagnol, qui livra vers 1660 une interprétation (en sens inverse) avec variantes de la toile de Van Dyck9.

    1. Granger, 2005 Catherine Granger, L’Empereur et les Arts. La liste civile de Napoléon III, Paris, coll. « Mémoires et documents de l’École de Chartres, 79 », 2005. , p. 516, précise que le Félu est acheté sur le budget « Encouragement ».

    2. Citons, au Louvre, le Portrait d’un gentilhomme avec la chartreuse de San Martino, à Naples, R.F. 1984-17, par Wolfgang Heimbach, un peintre sourd connu sous le sobriquet « le peintre sourd d’Ovelgönne » (du nom de sa ville natale, dans le duché d’Oldenbourg).

    3. San Francisco Call, vol. 87, nº 80, 18 février 1900. Pour une étude générale sur Charles François Félu, voir Callataÿ, 2003 François de Callataÿ, « Charles Félu (1830-1900), the Painter without Arms, “One of the most universally known Figures of Antwerp” of his Time », Jaarboek Koninklijk Museum voor Schone Kunsten, Anvers, 2003, p. 42-53. .

    4. Foucart, 2009 Jacques Foucart, Catalogue des peintures flamandes et hollandaises du musée du Louvre, Paris, 2009. , p. 330, signale que la signature avait été mal comprise (d’où l’ancienne étiquette « Jules Pede »), jusqu’à ce qu’Isabelle Compin ne fasse le lien avec Charles François Félu, en 2000.

    5. Wurzbach, 1906-1911 Alfred von Wurzbach, Niederländisches Künstler-Lexikon, Vienne, 1906-1911, 3 vol. , vol. I, signale que Charles François Félu utilisait son pied droit pour peindre, et copiait à Anvers et Kensington. On pense au peintre paysagiste Martin Ryckaert, portraituré par Van Dyck vers 1631, et qui n’avait qu’un bras (Madrid, musée du Prado, P001479, voir Brown et Elliott, 2002 Jonathan Brown et John Huxtable Elliott (dir.), La Almoneda del siglo. Relaciones artísticas entre España y Gran Bretaña, 1604-1655 (catalogue d’exposition, Madrid, Museo Nacional del Prado, 2002), Madrid, 2002. , nº 59, p. 268, et Barnes et al., 2004 Susan J. Barnes, Nora De Poorter, Oliver Millar et Horst Vey, Van Dyck. A Complete Catalogue of the Paintings, Londres et New Haven, 2004. , III. 123).

    6. Par comparaison avec La Déploration, 220 × 166 cm, détruite à Berlin en 1945.

    7. Van Dyck disposait de peu de temps à cette date pour exécuter une aussi importante commande ; des datations traditionnelles moins tardives, en 1634-1635 (Schaeffer, 1909 Emil Schaeffer, Van Dyck. Des Meisters Gemälde in 537 Abbildungen, Leipzig et Stuttgart, coll. « Klassiker der Kunst », 1909. parlait ainsi de 1634), semblent plus raisonnables, quoiqu’elles aient été rejetées pour des raisons d’analyse du style, jugé tardif par Barnes et al., 2004 Susan J. Barnes, Nora De Poorter, Oliver Millar et Horst Vey, Van Dyck. A Complete Catalogue of the Paintings, Londres et New Haven, 2004. , III. 33. Dans l’abbaye Notre-Dame de Tongerlo (Westerlo, province d’Anvers) se trouvent deux copies [sic] d’après le tableau de Van Dyck (toile, 99 × 142 cm, xviiie siècle selon l’Institut royal du patrimoine artistique, http://balat.kikirpa.be/object/158690, consulté le 5 mars 2018, et toile, 36 × 50 cm (http://balat.kikirpa.be/object/81438, consulté le 6 mars 2018). Ces œuvres font admirer la qualité de la toile de Charles François Félu. Au musée Wiertz d’Ixelles, autre copie (peinture sur papier, 9 × 11 cm, M.R.B.A. 2008/11). En l’église du Sacré-Cœur, à Tournai, belle copie anonyme du xixe siècle (toile, environ 135 × 200 cm, http://balat.kikirpa.be/object/10058794, consulté le 5 mars 2018). En l’église Saint-Amandus, à Kortenberg, autre copie anonyme (http://balat.kikirpa.be/object/34329, consulté le 6 mars 2018). La composition de Van Dyck fut visiblement très appréciée et souvent copiée, aux xviiie et xixe siècles, mais la copie par Félu semble se distinguer par sa qualité.

    8. Voir le dessin de Van Dyck au crayon, rehauts de blanc, sur papier gris-vert, 27,5 × 39,3 cm (New York, The Morgan Library and Museum, nº I, 243 ; Vey, 1962 Horst Vey, Die Zeichnungen Anton van Dycks (Monographien des « Nationaal Centrum voor de Plastische Kunsten van xvide en xviide Eeuw »), Bruxelles, 1962, 2 vol. (le premier consacré aux textes et notices, le second aux illustrations). , vol. I, nº 141).

    9. 182 × 352 cm, Madrid, Museo Cerralbo, inv. 1648. Voir Capel Margarito, 1976 Manuel Capel Margarito, « Dos Cuadros de Van Dyck en la iglesia de San Andrés, de Jaén », Boletín del Instituto de Estudios Giennenses, nº 87, Jaén, 1976, p. 79-84. , p. 84, qui relève la présence, au Collège mineur de Saint-Philippe-Néri, à Jaén (Espagne), d’une copie du tableau d’Alonso Cano.