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  • VII Conclusion

    Hélène Le Meaux

    Image représentant la vue d’une salle d’exposition de stèles au musée du Louvre, en 2024
    fig. 7-1 Exposition « Carthage et son sanctuaire. Des stèles pour Tanit », musée du Louvre, hall Colbert (de janvier 2023 à décembre 2024). Cette exposition-dossier a permis de révéler aux visiteurs la richesse de la collection de stèles puniques du Louvre et de présenter les résultats de la recherche pluridisciplinaire à l’origine du présent ouvrage. Photo © Musée du Louvre / Raphaël Chipault
    Cette photographie de 2024 montre une salle du musée du Louvre où des stèles puniques sont exposées sur des socles rouges dans des vitrines : trois vitrines sur fond rouge à l’arrière-plan, et une grande vitrine centrale au premier plan. Des panneaux explicatifs sont accrochés sur les murs latéraux. Le titre de l'exposition, « Carthage et son sanctuaire. Des stèles pour Tanit », écrit sur le mur du fond, surplombe les vitrines.

    1essai7_p_0Il aura fallu des décennies pour, d’une certaine façon, préparer le terrain des huit années de recherche que nous avons consacrées à la collection des mille trois cent quatre-vingt-trois stèles puniques de Carthage du musée du Louvre. Il aura fallu, au fil de plusieurs générations, nombre de chercheurs d’horizons divers, de spécialistes de domaines variés. Il aura fallu des déménagements, dont le pharaonique « chantier des collections », mené entre 2016 et 2022, qui a conduit les stèles dans les réserves du Centre de conservation du Louvre à Liévin. Il aura fallu un premier récolement décennal (2005-2015), puis un second (2016-2026), pour appréhender, nous l’espérons au mieux, ce corpus qui témoigne de la piété de l’ensemble d’une cité.

    2essai7_p_1Cet ouvrage est donc aujourd’hui le fruit d’une pensée collective qui a traversé le temps et s’est enrichie de différentes manières de réfléchir et d’approches complémentaires. Par son catalogue et ses essais, ce livre témoigne d’une attention individuelle, sérielle et d’ensemble. Nous avons ainsi pu aboutir à un certain nombre de résultats relatifs aux questions de provenance, aux interprétations iconographiques, aux lectures et relectures des dédicaces qui, malgré leur caractère répétitif et stéréotypé, n’en sont pas moins riches et révélatrices d’indices relatifs à une population, à une religion, à un acte de dévotion, à des usages et à des coutumes.

    3essai7_p_2Si la provenance carthaginoise est admise, et ce de longue date, nous avons pu, au vu des découvertes récentes dans le tophet, confirmer l’origine du corpus du Louvre. La question de la provenance ne se cantonnant pas à l’origine archéologique de l’œuvre, nous avons, pour chaque stèle, tenté de retrouver la mission archéologique ou encore la ou les collections anciennes auxquelles elle a appartenu. La découverte et l’exploitation d’archives nous ont permis de progresser, notamment dans le domaine des correspondances et des inventaires entre le Louvre, la Bibliothèque nationale, le cabinet du Corpus Inscriptionum Semiticarum. Nous avons indiqué les sources de nos informations afin que le lecteur se repère au mieux. Le croisement et la confrontation des données ont malgré tout leurs limites et cent cinquante stèles restent aujourd’hui associées avec incertitude à la mission d’Évariste Pricot de Sainte-Marie ou bien à celle d’Ernest Babelon et Salomon Reinach qui, somme toute, ont fouillé le même terrain à une dizaine d’années d’intervalle.

    4essai7_p_3La prise en considération des stèles anépigraphes constitue une grande avancée par rapport aux études passées. Ces stèles ont probablement, pour certaines d’entre elles, porté une dédicace à Tanit et Baal Hammon mais leur caractère anépigraphe au moment de leur découverte leur avait donné un statut différent et bien évidemment elles ne pouvaient figurer dans le Corpus Inscriptionum Semiticarum (CIS). Elles se trouvent ici associées aux stèles épigraphiées, classées par mission et par numéro d’inventaire du Louvre.

    5essai7_p_4Tout au long de cette enquête, le plus gratifiant fut probablement la renaissance des stèles nettoyées et microsablées. Elles ont, pour certaines d’entre elles, livré des détails techniques et iconographiques oubliés ou ignorés. Les couleurs des pierres ont aussi réapparu, une fois levé le voile gris de poussière qui les unifiait tristement. Elles sont redevenues beiges, ocre, veinées, marbrières, grises, verdâtres, selon le calcaire utilisé par le sculpteur.

    6essai7_p_5De plus, nous avons pu associer entre eux un certain nombre de fragments. Vingt-huit stèles ont en effet été reconstituées dans un état correspondant plus ou moins à celui de leur découverte. Sur ces vingt-huit stèles, huit ont été restaurées afin de pérenniser leur état ; les autres le seront probablement lors de campagnes de restauration à venir.

    7essai7_p_6Malgré tout, les stèles du Louvre conserveront une partie de leur mystère en raison de leur destruction dans l’Antiquité et, pour une partie d’entre elles, lors de l’incendie et de l’explosion du navire le Magenta. Si les dommages de 1875 ont été importants, certains fragments ont toutefois été conservés jusqu’à nos jours sans pour autant avoir été inventoriés : nous avons fait le choix de les mentionner ici. Les fragments inscrits font l’objet d’une notice du catalogue ; de façon quasi miraculeuse, trois de ces fragments ont pu être réassociés à leur stèle d’origine, tandis que cinq autres sont les seuls témoins de stèles publiées dans le CIS et largement détruites. Les fragments restants figurent à la fin de l’introduction sous la forme d’une liste générale destinée à les préserver de l’oubli et à laisser ici des perspectives de recherche que nous n’avons pas pu développer dans le temps qui nous était imparti.

    8essai7_p_7La collection étant à présent microsablée, restaurée, et faisant l’objet d’une présentation exhaustive dans le présent ouvrage, les perspectives de valorisation sont variées. Les demandes de prêt se multiplient, les propositions de mise en dépôt sont en cours d’instruction. Une exposition-dossier a vu le jour au Louvre (de janvier 2023 à l’hiver 2024 ; voir fig. 7-1), offrant des pistes notamment pour l’interprétation des stèles, leur iconographie et leur iconologie.

    9essai7_p_8Il s’agit néanmoins d’une première étape dans notre étude de la collection de Carthage et plus largement punique du musée du Louvre. La céramique reste un pan à part entière à étudier, la coroplathie également, ainsi que les nombreux petits objets, amulettes, bijoux, bronzes, etc., faisant partie de mobiliers funéraires.

    10essai7_p_9Il s’agit également d’un pas en avant dans le réexamen de l’ensemble des stèles puniques de Carthage, qui ne concerne pas le seul musée parisien. Le British Museum, à Londres, ayant déjà publié son corpus, l’édition des catalogues raisonnés des collections des musées tunisiens, en particulier du musée de Carthage et du Bardo, complétera nos connaissances sur le sujet et permettra, en mettant les collections anciennes en perspective avec les fouilles actuelles, d’établir de manière plus affinée les contextes archéologiques, les évolutions typologiques, iconographiques, épigraphiques des stèles et la mise en évidence des ateliers de fabrication.

    11essai7_p_10Enfin, cet ouvrage se veut un hommage à toutes et tous les fidèles de la cité de Carthage, un hommage à nos prédécesseurs dont nous sommes, dans tel ou tel domaine, les héritiers ; il se veut également une étape pour nos successeurs qui enrichiront ce dossier de nouvelles découvertes archéologiques, archivistiques, et de bien d’autres.

    12essai7_p_11Paris, musée du Louvre, en 2024, soit cent cinquante ans après le premier coup de pioche des ouvriers de la mission d’Évariste Pricot de Sainte-Marie dans le champ de Feddan el-Behim, dans le quartier de Dermech, à Carthage, le 25 août 1874.